Visage juvénile entouré de boucles, l'ancienne journaliste franco-marocaine est un nouvel exemple de la prédilection d'Emmanuel Macron pour les personnalités reconnues dans leur domaine plutôt que des profils politiques.
Elle avait fait sa connaissance pendant la campagne présidentielle et était présente en juin lors de sa visite au roi Mohammed VI. Le président lui aurait même proposé le portefeuille de ministre de la Culture, ce qu'elle ne confirme pas, mais ne dément pas non plus.
Considérée comme l'une des nouvelles voix de la francophonie, défenseur de la cause féminine, la jeune femme a publié à la rentrée "Sexe et mensonges - La vie sexuelle au Maroc", qui défend une sexualité libre pour les Marocaines.
Elle a aussi pris position pour l'interdiction de la burqa au Maroc qu'elle considère comme un "instrument d'oppression, une atroce négation de la femme, une insulte à la moitié de l'humanité", sur un site d'information marocain. "Les femmes doivent retrouver le moyen de peser sur une culture qui est l'otage des religieux et du patriarcat", affirme la romancière qui n'hésite pas à explorer dans ses écrits des territoires sombres, de la nymphomanie au coup de folie d'une nounou bien sous tous rapports.
Bien que régulièrement vilipendée par les islamistes, Leïla Slimani est publiée au Maroc, où elle est née en 1981 d'une mère médecin et d'un père banquier. Elevée à Rabat, dans une famille où l'on privilégie le français, elle est venue faire ses études en France à 17 ans: une classe préparatoire littéraire, puis Sciences-Po Paris.
La jeune femme se tourne ensuite vers le journalisme et collabore au magazine "Jeune Afrique", tout en s'interrogeant sur la poursuite de sa carrière comme le personnage principal de son premier roman sur la nymphomanie. Elle finit par démissionner et s'inscrit à des cours de création littéraire organisés dans le saint des saints, le siège de la maison Gallimard.
Sorte de "Madame Bovary X", selon l'expression de sa propre mère, "Dans le jardin de l'ogre" rencontre le succès, même au Maroc. "Il a très bien marché parce que l'héroïne était une Française. Si elle avait été Maghrébine, cela aurait été une catastrophe", expliquera-t-elle. Elle en a eu l'idée peu après la naissance de son premier enfant en suivant l'affaire Strauss-Kahn à la télévision, quand l'ancien patron du FMI et homme politique français était accusé de viol par une employée du Sofitel de New York en 2011.
"J'étais fascinée, comment pouvait-on mettre ainsi sa vie en péril? Mais je trouvais plus intéressant d'étudier cette addiction au sexe du côté d'une femme. J'ai toujours eu envie de parler de la sexualité féminine", expliquait-elle en 2014 au quotidien Libération.
Elle confirme l'essai en 2016 en s'appuyant sur un fait divers survenu à New York en octobre 2012, où une nounou a tué les enfants dont elle avait la garde. Glaçant, "Chanson douce" est dédié à son fils Emile et débute par ces mots terribles: "Le bébé est mort. Il a suffi de quelques secondes. Le médecin a assuré qu'il n'a pas souffert".
Avec son style direct et précis, Leïla Slimani raconte cette histoire atroce à la manière froide et distanciée d'un Simenon. Elle livre en même temps une analyse sur les rapports de classes entre une famille bobo parisienne et la nourrice volontaire mais au fond, si sombre. "Le sujet est né du fait que moi-même j'ai eu des nounous dans mon enfance, j'ai été très sensible à leur place dans la maison, où elles sont à la fois comme des mères et des étrangères", déclarait-elle en recevant le Goncourt, enceinte de son deuxième enfant.
Le livre sera bientôt adapté au cinéma par Maïwenn Le Besco, dite Maïwenn, ("Polisse") et a fait de Leïla Slimani l'auteur francophone le plus lu l'an dernier.