À pas feutrés, la Chine déploie avec grâce un éventail de soie en direction du Maroc.
Les signes de ce rapprochement se déclinent sous des formes diverses, qu’il s’agisse des discours émanant des chancelleries, des récits relayés par les écrans ou d’élans populaires vibrants.
Une séquence filmée, exhumée du passé et récemment ravivée par les réseaux sociaux chinois, ouvre notre illustration: elle frappe les esprits, circule avec intensité et réactive le souvenir des prises de position visionnaires du Maroc, animées par un profond sens de la justice.
Il y a un mois, jour pour jour, CGTN (China Global Television Network), diffusée en plusieurs langues, a remis en lumière un chapitre peu abordé, mais d’une portée symbolique majeure: le moment où le Maroc s’est fermement engagé en faveur du rétablissement du siège de la République populaire de Chine aux Nations Unies, affirmant par ce geste une solidarité indéfectible, et offrant un soutien vaillant bien avant l’essor des relations sino-africaines, à une époque où Pékin n’avait pas encore accédé au rang de puissance globale qu’elle incarne aujourd’hui.
Car il est des discours, comme des thés rares: ils gagnent en densité et en profondeur à mesure que le temps s’éclaire…
En 1960, à New York, le prince héritier Moulay Hassan prononce un puissant plaidoyer depuis la tribune des Nations Unies, avec cette interpellation en substance: «Est-il juste et équitable que 600 millions d’individus, le tiers du monde, n’existent pas parmi nous? (…)».
Onze ans plus tard, cette position avant-gardiste trouve sa pleine concrétisation: la République populaire de Chine est officiellement admise à l’ONU. En 2025, elle ravive avec éclat le souvenir de cet épisode fondateur, soulignant le rôle visionnaire du Maroc, l’un des premiers à établir les fondations d’une reconnaissance politique forte et durable.
La réémergence de ce document ne saurait être un hasard, alors que le ralliement de Pékin au projet d’autonomie au Sahara est vivement attendu dans un climat international porté par une conjoncture internationale particulièrement favorable.
C’est d’autant plus saisissant que, sur d’autres plans, les récits croisés entre le Maroc et la Chine resurgissent de manière inattendue au fil d’une narration parallèle...
À l’occasion de la première Journée internationale du Dialogue entre les Civilisations, l’Ambassade de Chine à Rabat publie en ce sens des hommages brodés de symboles.
Par le biais d’une série de messages partagés sur les réseaux sociaux, notamment via une succession de tweets, l’accent est mis sur la profonde proximité culturelle qui unit deux nations aux civilisations millénaires.
Après des publications à tonalité institutionnelle, un enchaînement de posts éclaire la mémoire urbaine, les formes enracinées dans la mémoire populaire, ainsi que l’architecture traditionnelle dans ses imbrications modernes, incarnée par les médinas marocaines et les hutongs chinois.
Les costumes traditionnels ne sont pas en reste, dessinant un parallèle entre deux habits symboliques, reflets vivants d’un héritage vestimentaire ancestral: le hanfu chinois, «illustration de la culture traditionnelle et de l’esprit national», et le caftan, «l’une des tenues les plus célèbres et les plus représentatives du Maroc».
Difficile de parler de civilisation sans évoquer l’art culinaire, fruit d’une subtile alchimie entre facteurs géographiques, climatiques et culturels.
Dans d’autres tweets, ce sont ainsi les cuisines régionales, aux saveurs singulières, qui prennent vie en Chine comme au Maroc où la gastronomie, «profondément influencée par la diversité culturelle, fusionne les traditions culinaires amazighes, andalouses, méditerranéennes, européennes et subsahariennes.».
Dans cet élan qui célèbre la richesse du patrimoine artistique populaire, les formes d’expression musicales et chorégraphiques rythmées ne sont pas oubliées. Côté marocain, elles nous transportent «du taqtūqa et des Izran du Nord, en passant par le Malhoun et l’Ahidus du centre, jusqu’au Gnawa et à l’Ahwash du Sud». De la même manière, en Chine, toutes les régions ont donné naissance à des arts populaires profondément originaux: «du chant narratif jingyun de Beijing et de la danse yangge du Nord-Est, en passant par la danse du lion acrobatique du Guangdong et la porcelaine de Jingdezhen du Jiangxi, jusqu’à l’art du changement de masques de l’opéra du Sichuan et au muqam du Xinjiang».
En conclusion de ce chapitre, deux figures emblématiques donnent chair aux prémices du dialogue sino-marocain: Ibn Battouta, le grand explorateur natif de Tanger et Wang Dayuan, navigateur de la dynastie Yuan.
Le premier, arrivé à Quanzhou (alors appelée Zaitun) vers 1346, décrit dans ses récits une Chine raffinée, commerçante et profondément multiculturelle. Le second, en 1336, foule les rivages atlantiques du Maroc et évoque ses escales dans les ports du Royaume.
Deux regards croisés, deux récits, et une réciprocité ancienne, aujourd’hui réactivée par l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie, que le Maroc a rejointe dès 2017, devenant ainsi l’un des premiers pays africains —et le premier du Maghreb— à y prendre part.
Qu’en pense l’opinion publique chinoise?
À bien des égards, elle semble conquise par ce dialogue culturel, nourri par l’art, la convivialité et le respect mutuel.
C’est ainsi que, le 8 juin 2025, le parc à thème Harbin Polarland inaugure une réplique à l’échelle réelle de Chefchaouen. La ville bleue y est recréée, peinte, plantée, célébrée; non comme une simple imitation, mais comme une projection, presque un rêve. Non pas pour vendre des souvenirs, mais pour en honorer un, et sublimer un fragment du Maroc éternel.
Un hommage que seule une culture comme celle de la Chine peut rendre avec autant de minutie, de poésie et de portée stratégique, tout en reflétant la présence croissante du Maroc dans l’imaginaire chinois.
Impossible de conclure sans rappeler que la neuvième saison de Chinese Restaurant, phénomène télévisuel produit par Hunan TV, suivie par plus de 200 millions de téléspectateurs et massivement relayée sur les plateformes sociales, s’est achevée en apothéose à Tanger, perle du Détroit, présentée comme un véritable creuset des cultures.
Point d’orgue du programme et symbole fort de l’union entre deux mondes: la célébration de trois mariages chinois selon les rites marocains, dans un entrelacs de ‘ammariya, de tzaghrida, de caftans aux ornements délicats, sans oublier les effluves de fleurs d’oranger, toutes les sonorités et les vœux typiques d’éternelle félicité.
Voilà comment le Maroc entre dans le salon des familles chinoises.
Ce n’est plus une simple alliance, mais une émotion qui se partage; une diplomatie qui se nourrit de sens; un dialogue qui tisse une histoire porteuse d’un message fort: la véritable coopération ne s’écrit pas dans le béton, mais se grave dans la mémoire, la culture et la confiance.





