Une vasque à ablution, datant de l’époque des Omeyyades, auparavant dressée dans la Medersa Ben Youssef à Marrakech, n’est plus à sa place. Le constat de cette absence a été établi par le roi Mohammed VI, lundi 9 janvier, durant sa visite de l’ancienne médina pour lancer le chantier de restauration de plusieurs sites historiques de la ville ocre.
En apercevant une photographie de Henri Terrasse, datant de 1920, le roi est resté admiratif devant une grande vasque en marbre, ornée de motifs sculptés. Contre toute attente, le souverain a posé la question sur l’endroit où se trouve cette pièce, plus vieille que la ville de Marrakech. Grand embarras, parce que la vasque a disparu de la Medersa Ben Youssef. C’est ce que nous confirme un témoin de la scène, Jaafar Kenssoussi, le président de l’association «Al Mounia» pour la vivification et la préservation du patrimoine du Maroc.
Hésitations, balbutiements, et enfin on informe le souverain que cette pièce, qui a été présente pendant des siècles dans l’enceinte de la Medersa de Ben Youssef, a été transférée dans les années 90 au Musée Dar Si Said. Un musée qui est aujourd’hui sous la tutelle de la Fondation nationale des musées, présidée par Mehdi Qotbi. Ce dernier déclare à le360 que cette pièce est inscrite dans la collection du patrimoine national mais ne répond pas à la question de sa localisation actuelle, préférant nous renvoyer vers Abdelaziz Idrissi, le directeur du musée Mohammed VI d’art contemporain du Maroc qui est archéologue de formation.
De fil en aiguille, on découvre que la pièce en question gît dans les réserves du musée de Rabat qui a ouvert ses portes il y a deux ans. «Cette cuve faisait partie de l’exposition "le Maroc Médiéval" qui s’est déroulée en mars 2015 et depuis elle y est toujours», affirme Abdelaziz Idrissi. Alors que plusieurs acteurs de la société civile à Marrakech exigent le retour de cette pièce à son lieu d’origine, c’est-à-dire la Medersa Ben Youssef à Marrakech, le directeur du musée d’art contemporain de Rabat prône l’installation de cette pièce au sein du musée national d’archéologie de Rabat. «Il n’y a pas de raison pour que cette pièce retourne à Marrakech puisqu’elle fait partie de la collection du patrimoine national. Il peut y avoir une copie de la pièce à la medersa mais l’original doit prendre place soit dans le musée national d’archéologie de Rabat soit dans le futur musée des arts islamiques à Fès.»
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Néanmoins, Jaafar Kenssousi n’est pas de cet avis. «Nous souhaitons que cette pièce unique et exceptionnelle reste à Marrakech. Cette cuve à ablution est la plus ancienne pièce muséale du Maroc, dont l’usage est strictement religieux, devrait retourner idéalement à la Medersa Ben Youssef, là où elle se trouvait durant des siècles avant que le ministère de la culture ne décide de la transférer au musée Dar Si Said dans les années 90», nous déclare le président de l’association «Al Mounia» et défenseur du patrimoine historique de Marrakech.
Ce qui rend d’autant plus déterminés les défenseurs du retour de la pièce à Marrakech, c’est qu’elle est maintenue cachée dans la réserve du musée d’art contemporain de Rabat et que personne n’en profite. «Cette pièce est fragile, nous avons préféré la garder ici en attendant de décider de son sort», confie Abdelaziz Idrissi à le360 tout en ajoutant que le choix de la destination finale de cette pièce qui doit absolument être restaurée, selon ses dires, revient à la fondation nationale des musées. «C’est une décision collégiale qui doit être prise par la fondation».
Cette vasque, datant de l’époque des Omeyyades, est fragile, on l’aura compris, et pourtant Mehdi Qotbi nous informe qu’il a bien l’intention de l’envoyer peut-être à Madrid pour la semaine du Maroc, un événement toujours en projet.
Lorsqu’on lui repose la question à nouveau sur la destination finale de la pièce, Mehdi Qotbi lance, dans un élan pour calmer les esprits, qu’elle reviendra à Dar Si Said à Marrakech. Voilà ce qui pourrait rassurer ceux qui appellent au retour de cette pièce, plus ancienne que la cité millénaire où elle se trouvait.