Khadija Alami: les principaux freins au développement de la coproduction au Maroc et comment les dépasser

Khadija Alami, productrice, membre de l’Académie des Oscars et présidente de la Ouarzazate Film Commission.

Le 28/01/2024 à 09h30, mis à jour le 28/01/2024 à 09h30

VidéoDe plus en plus de producteurs se tournent vers des coproductions, mais ils se trouvent confrontés à plusieurs défis, notamment des problèmes d’obtention de visa et la complexité des processus administratifs. Selon Khadija Alami, productrice et membre de l’Académie des Oscars, une simplification de ces démarches et le développement de réseaux professionnels peuvent stimuler davantage ces collaborations. Entretien.

Khadija Alami, productrice, membre de l’Académie des Oscars et présidente de la Ouarzazate Film Commission, détaille, dans cette interview avec Le360, les différents aspects des coproductions cinématographiques et audiovisuelles au Maroc. Soulignant l’importance de la simplification des procédures administratives, de la résolution des problèmes de visa, cette membre de la Fédération des industries culturelles et créatives (FICC) plaide également pour une meilleure communication et sensibilisation autour des opportunités de coproduction.

Le360: Quelles démarches faut-il suivre pour être éligible à une coproduction?

Khadija Alami: Il faut présenter tout d’abord le projet en question au Centre cinématographique marocain (CCM). Une fois que nous avons obtenu le financement du CCM, nous commençons à chercher des financements à l’étranger. En général, lorsqu’il s’agit d’une coproduction, nous nous tournons vers les pays avec lesquels le Maroc a signé des traités de coproduction. Dans le contexte d’une coproduction avec la Belgique, qui est l’un de ces pays, il est possible de faire appel à des producteurs belges intéressés par une telle collaboration. Lorsque le financement est entièrement sécurisé, nous pouvons alors entamer le tournage du projet.

Parlez-nous des films que vous avez coproduits avec des producteurs belges…

J’ai produit le film «Insoumise», réalisé par Jawad Ghalib, en coproduction avec Isabelle Truc de Iota Production. Pour financer ce projet, nous avons bénéficié de l’avance sur recette du Maroc ainsi que de fonds belges. Ce film a remporté le prix du jury en 2015 au Festival international du film de Marrakech. J’ai également co-produit le documentaire «Le Thé ou l’électricité», réalisé par Jérôme le Maire, qui a été diffusé sur 2M. Actuellement, je suis en plein tournage d’un autre documentaire portant sur les stations Noor et les énergies renouvelables au Maroc. Cette nouvelle collaboration se fait toujours avec la même société de production, à savoir Iota Production.

Quels sont les principaux obstacles et défis rencontrés lors de la coproduction de films?

L’un des défis majeurs concerne l’obtention de visas pour les déplacements à l’étranger. Lorsque je commence un tournage au Maroc et que je prévois de le continuer en Belgique, par exemple, il devient extrêmement compliqué de faire voyager nos collaborateurs en raison des obstacles liés à l’obtention de visas.

Cette situation représente un défi particulier pour les membres de l’équipe. Dans certaines circonstances, nous pourrions envisager de recruter des professionnels sur place, mais cela devient impossible si nous avons des acteurs ou des réalisateurs marocains qui ne peuvent pas obtenir de visa pour se rendre à l’étranger. Il est donc essentiel de trouver des moyens de faciliter la mobilité des professionnels marocains afin de pouvoir participer à des tournages internationaux.

Quid des projets pour la télévision?

Les traités de coproduction doivent tout d’abord intégrer la télévision. Il y a certes des contrats conclus avec des télévisions, mais ce n’est pas suffisant. De nos jours, les productions télévisuelles, telles que les séries et les téléfilms, ont acquis une importance comparable à celle du cinéma. Ce n’est plus seulement le domaine du grand écran qui capte l’attention, les créations pour le petit écran jouent un rôle tout aussi crucial dans l’industrie de l’entertainment. Cela permettra une meilleure intégration et un soutien accru pour les projets télévisuels, qui sont tout aussi méritants et influents que les productions cinématographiques.

Comment encourager davantage de coproductions au Maroc?

Il faudrait tout d’abord une simplification des procédures. Actuellement, la complexité des systèmes de points et la masse de documentation requise peuvent s’avérer décourageantes. Une simplification de ces processus rendrait la coproduction plus accessible, non seulement pour les entités bien établies, mais aussi pour les petites sociétés de production qui cherchent à élargir leurs horizons.

Une meilleure communication sur les traités de coproduction existants est aussi un must. À cela s’ajoute la nécessité de faciliter la mobilité des professionnels, ce qui favoriserait un accès plus large à diverses ressources et marchés. La création d’une association axée sur la formation en écriture de scénarios et la promotion lors de festivals, tant locaux qu’internationaux, pourrait également apporter une valeur ajoutée.

Par Hajar Kharroubi et Said Bouchrit
Le 28/01/2024 à 09h30, mis à jour le 28/01/2024 à 09h30