"La religion doit rester de l'ordre du choix, de l'intime. Le fait religieux n'appartient ni aux imams, ni aux clergés, ni aux confréries mais à tout le monde", affirme-t-il lors d'un entretien à l'AFP à Paris. "Personne n'a le droit de savoir si vous croyez ou pas. Personne n'a le droit de vous poser la question. Sinon, c'est l'inquisition".
Lauréat du prestigieux prix littéraire français Goncourt du premier roman en 2015 pour son livre "Meursault, contre-enquête" (qui donnait parole et vie à "l'Arabe" de "L'Etranger" d'Albert Camus), Kamel Daoud revient en librairie avec un recueil de 180 chroniques publiées dans le Quotidien d'Oran, "Mes Indépendances, Chroniques 2010-2016" (Actes Sud).
Parmi ces chroniques, on trouve notamment le texte - violemment critiqué par les islamistes et une partie de la gauche occidentale - écrit après les agressions de femmes la nuit du Nouvel An 2016 à Cologne en Allemagne, dont certains auteurs seraient des migrants.
Kamel Daoud affirmait notamment que "le sexe est la plus grande misère dans le monde d'Allah" et que "la femme est niée, refusée, tuée, voilée, enfermée ou possédée".Un collectif d'historiens et de sociologues lui avait alors reproché de véhiculer des "clichés orientalistes éculés" en réduisant les musulmans à une entité homogène.
"Ce que j'ai écrit sur nos liens malades avec le désir, le corps et la femme, je le maintiens et le défends", dit l'écrivain, 46 ans.
Kamel Daoud revendique son droit à l'insoumission. "Quand vous réclamez ce droit là, vous provoquez des réactions qui sont violentes car vous vous retrouvez dans une sorte de dissidence", analyse-t-il.
Pas question de renoncer pourtant. "J'ai le droit de penser et de défendre mes idées. Chaque Algérien n'a pas besoin d'être sur la même longueur d'onde".
En 2014, un activiste salafiste avait appeler à exécuter l'écrivain pour "crime d'apostasie" après des propos sur le rapport des musulmans avec leur religion.
"Les collectivismes aboutissent à l'immoralisme", affirme l'écrivain qui se revendique "libéral".
Envisage-t-il de se lancer en politique? "Non", répond-il sèchement. "Je fais ce que je sais faire. Je garde les pieds sur terre".
Affirmant "ne pas détenir la vérité", l'écrivain admet cependant "provoquer des réactions" par les sujets qu'il aborde.
"Si quelqu'un d'autre à partir d'un mot, d'une phrase, trouve en lui-même la vocation de faire de la politique à partir de ce que j'écris, je me sentirai quand même très utile", souligne-t-il.
Aujourd'hui, Kamel Daoud n'écrit plus dans le Quotidien d'Oran (la ville où il réside). "J'ai envie de me consacrer à la littérature, j'ai envie d'interroger le monde autour de moi mais d'un point de vue littéraire".
Outre le fait que ses chroniques en disent long sur l'islamisme, le régime algérien, les relations avec la France, la cause des femmes ou les révolutions arabes, elles frappent également par leur style marqué par le vif du trait.
"Écrire une chronique par jour vous mène à la faire dans la hâte, la vitesse, le sens de la formule développée comme un tir à l'arc, le lapidaire, le bref et l'outrancier".Écrivain algérien, Kamel Daoud a choisi d'écrire en français.
"C'est une langue du désir et de plaisir, de l'imaginaire. Pourquoi ne pas en jouir?", interroge l'écrivain. "La langue française n'est pas ma langue maternelle, elle n'est pas la langue paternelle mais elle peut être une langue fraternelle", dit-il joliment.
"Un jour mon fils m'a demandé pourquoi il fallait apprendre beaucoup de langues. Je lui ai répondu qu'une maison avec beaucoup plus de fenêtres est mieux éclairée".