Née le 29 juin 1960 à Beer Sheva, dans le désert du Néguev, au sud d'Israël, Hanna Azoulay Hasfari, qui évolue dans les mondes du spectacle et du cinéma, milite aussi pour les droits des femmes et a consacré une grande partie de sa carrière à sensibiliser son public aux questions touchant à la justice sociale et à la diversité culturelle.
En 2015, elle est invitée à prendre la parole au siège des Nations Unies à New York, au cours de la Journée internationale des femmes. A cette occasion, elle a assisté à la projection d'un de ses films, Orange People (2013).
Dans cette interview pour Le360, elle évoque ses réalisations, mais aussi son prochain film, dont elle espère que ce sera une coproduction israélo-marocaine.
Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs?Je m'appelle Hanna Azoulay Hasfari, je suis née à Beer Sheva. Mes deux parents ont émigré en Israël, depuis le Maroc. Tous les membres de ma famille sont d’ailleurs nés au Maroc. Mes parents viennent du sud du Maroc, et ma mère est originaire d’un petit village qui se trouve près de Tinzouline. Quant à mon père, il est d’Aoulouz. Ils se sont rencontrés et se sont mariés au Mellah de Casablanca.
Je suis scénariste, dramaturge, écrivaine, réalisatrice et parfois aussi productrice. J'avoue qu’il s’agit de plusieurs métiers à la fois, mais j’ai compris à un certain moment de ma vie que pour faire la part des choses, comme je le souhaite, en tant que femme marocaine en Israël, il m’était indispensable de me challenger et de franchir ce cap.
J’ai commencé ma carrière d’actrice à l’âge de 14 ans. Et au cours des trente dernières années, j'ai écrit des scénarios pour des films, mais aussi pour des séries télévisées et des documentaires. J’ai aussi couché sur le papier quatre pièces de théâtre.
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Mes écritures et réalisations portent généralement sur les questions liées au genre et à l'identité des femmes en Israël, en particulier celles venues des pays arabes, à savoir les femmes Mizrahi. Certes, ce n'était pas facile au tout début, mais je suis vraiment heureuse de tout ce que j’ai pu concrétiser.
Quand avez-vous assisté à la projection de votre premier film au Maroc?En 1996, je suis venue à Tanger pour présenter mon premier film, Sh'Chur (1994), au cours d’un festival. (Ce film, une plongée introspective dans l'univers des immigrants juifs marocains en Israël, dans le regard tendre d’une fille de la «deuxième génération», née en Israël, raconte l’histoire de Rachel, animatrice-vedette d'une émission de TV, qui apprend la mort de son père. Elle se rend aux funérailles, accompagnée de sa fillette et de sa sœur, internée depuis de nombreuses années dans un hôpital psychiatrique, Ndlr.)
C’était très émouvant pour moi. Je pense que c'était la première fois qu’une production israélo-israélienne était projetée dans une telle grande manifestation culturelle au Maroc. Je trouve que cela avait été une sorte de miracle. J'avais été choquée de voir à quel point je me sentais chez moi au moment où je suis arrivée.
Sh'Chur évoque un gap identitaire…Contrairement à plusieurs spéculations, mon premier film, Sh'Chur, ne portait pas sur la situation des Mizrahim en Israël, mais était plutôt axé sur mon identité, qui ressemblait vraiment à l’époque à une énigme. C'était donc une sorte d'expérience pour comprendre d'où je venais, et qui je suis réellement. J’essayais aussi de comprendre le fossé entre ma mère et moi.
S’agit-il d’une représentation de votre famille?Ce film ne reflète pas à 100% la réalité de ma famille. Je suis une artiste, j’ai tendance à inventer beaucoup de choses, mais cela vient vraiment du fond de mon cœur et d'un lien très profond que je ressens profondément avec la culture marocaine.
Plusieurs médias ont annoncé qu’en 2012, votre film Orange People avait bénéficié d’une subvention du Centre cinématographique marocain (CCM) de 460.000 dirhams. Est-ce vrai?Ce n’est pas vrai. Contrairement à [ce qu'ont relayé] ces rumeurs, Orange People (l’histoire de trois générations de femmes juives d’une famille d’origine marocaine, Ndlr) n’était pas une coproduction israélo-marocaine.
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Aucun accord n’avait été signé à l’époque. Mais j'espère de tout mon coeur que mon prochain film sera une coproduction.
Orange People a récemment été projeté lors du Festival international du cinéma d'auteur de Rabat. Qu'avez-vous ressenti, au cours de cette séance?J'avais eu l’impression que ce film, huit ans après sa sortie en salles de cinéma, avait finalement retrouvé sa vraie audience, qu’est le public marocain, qui a pu comprendre la signification de chaque séquence. C’est sa vraie maison…
Votre prochain film sera-t-il une coproduction israélo-marocaine?J’espère vivement que mon prochain film sera une coproduction israélo-marocaine, la première [du genre] dans le monde du cinéma. Ce projet parle de l’histoire des juifs du Sud, des liens qu’ils entretenaient avec les musulmans de cette localité, et de [la manière dont] ils ont quitté le Maroc.
Venez-vous souvent au Maroc?J’aime beaucoup le Maroc. J’y suis allée à quatre reprise. La première fois, c'était pour la projection de Sh'Chur à Tanger. Par la suite, je suis venue dans les montagnes de l'Atlas, pour filmer mon film Orange People. Ce fut une expérience formidable pour moi.
Quelque temps après, je me suis rendue une nouvelle fois au Maroc, pour faire des recherches pour ma prochaine production. Je suis allée à Marrakech, dans l’Atlas, à Ouarzazate et à Zagora. Ce fut un voyage incroyable. Et il y a quelques jours, j’ai pu assister au Festival international de cinéma d'auteur de Rabat, pour la projection d’Orange People.
J’aime beaucoup le Maroc, et je souhaiterais venir ici de plus en plus. D’ailleurs, je pense sérieusement de plus en plus à vivre un moment dans la maison de mes parents.