Alors que l’industrie du divertissement traverse une profonde recomposition, Pathé confirme ses ambitions au Maroc avec une audace qui déjoue les pronostics. Quelques mois à peine après avoir scellé un partenariat stratégique avec le géant de la distribution Marjane Group, l’enseigne à l’emblématique coq jaune vient d’inaugurer un nouveau complexe au sein du centre commercial Dar Essalam, à Rabat.
Dans cet entretien avec Le360, Frédéric Godfroid, directeur général de Pathé Maroc, revient sur les coulisses de cette installation éclair. Loin des rumeurs de retrait du continent africain, il dessine au contraire la feuille de route d’un groupe qui croit fermement au potentiel du Maroc. Si ce nouveau site de Dar Essalam privilégie une expérience de proximité et des tarifs étudiés, il ne remplace en rien le projet d’envergure de Hay Riad, toujours en développement, qui devrait bientôt doter la capitale des dernières innovations technologiques comme l’IMAX ou la 4DX.
Frédéric Godfroid analyse également les mutations de la consommation locale. Il souligne un phénomène remarquable: la montée en puissance du cinéma marocain. Dans les salles Pathé, les productions nationales surperforment, captant une part d’audience bien supérieure à leur poids dans la programmation.
Le360: Vous venez de lancer le multiplexe Pathé Dar Essalam à Rabat. Quel a été l’investissement mis en place et comment le projet a-t-il été concrètement exécuté?
Fréderic Godfroid: Nous n’avons pas encore le montant global définitif de l’investissement, car tout s’est fait très rapidement. Pour rappel, nous avons signé un partenariat avec Marjane au mois de juillet et, en décembre, le cinéma était déjà ouvert. Il s’agissait d’un cinéma déjà construit, ce qui nous a permis d’aller vite. Nous avons calibré le projet en fonction de notre business plan, avec une volonté claire: créer une véritable expérience cinématographique, donner envie aux gens de revenir au cinéma. C’est exactement l’esprit que nous avons voulu insuffler à Pathé Dar Essalam.
Quel est le public cible de ce nouveau cinéma?
Ce multiplexe s’adresse d’abord aux cinéphiles, mais pas uniquement. Nous tenions surtout à éviter une politique tarifaire excessive. Le billet est fixé à 95 dirhams — un niveau légèrement supérieur à celui de Pathé Californie à Casablanca, où le ticket démarre à 45 dirhams — car le standard de confort n’est pas le même. Nous proposons également un tarif étudiant à 70 dirhams et un tarif enfant à 60 dirhams. L’objectif est clair: ramener le public dans les salles.
«Pathé Dar Essalam est complémentaire au projet du multiplexe de Hay Riad.»
— Frédéric Godfroid, Directeur Général de Pathé Maroc
À Pathé Dar Essalam, pas d’IMAX ni de 4DX…
Effectivement. L’IMAX nécessite de très grandes salles et de très grands écrans, ce que nous n’avions pas ici. Quant à la 4DX, le manque d’espace ne nous permettait pas de l’installer. Mais Inchallah, cela sera possible dans un prochain cinéma à Rabat.
Le projet de Hay Riad est-il toujours d’actualité, ou a-t-il été remplacé par Pathé Dar Essalam?
Pathé Dar Essalam est complémentaire au projet du multiplexe de Hay Riad. Sur Hay Riad, les architectes sont pleinement mobilisés; nous commençons à recevoir les premiers plans et, sauf imprévu, le démarrage des travaux est prévu d’ici quelques mois.
«Ce qui est particulièrement intéressant au Maroc, c’est la production locale. À Pathé Californie par exemple, 30% des entrées sont réalisées par des films marocains, alors qu’ils ne représentent que 12% des films projetés»
— Frédéric Godfroid, Directeur Général de Pathé Maroc
Vous indiquez que le Maroc fait partie des rares marchés où la fréquentation des salles a progressé entre 2024 et 2025. Quels facteurs expliquent, selon vous, cette dynamique?
On a souvent annoncé la mort du cinéma. À l’arrivée de CANAL+, on le disait condamné. Puis les DVD, puis les plateformes de streaming ont ravivé la même prophétie. Pourtant, le cinéma perdure — et peut même se développer — dès lors qu’il propose autre chose qu’un simple film: une expérience à part entière. C’est précisément notre ambition.
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Ce qui est particulièrement intéressant au Maroc, c’est la production locale. À Pathé Californie, par exemple, 30% des entrées sont réalisées par des films marocains, alors qu’ils ne représentent que 12% des films projetés. Ces films surperforment. À l’inverse, les blockbusters américains représentent environ 70% des films programmés, mais génèrent 61% des entrées. Cela montre à quel point les films marocains sont attendus par le public. Nous en avons beaucoup parlé récemment avec les producteurs, réalisateurs et le CCM, notamment lors du Festival de Marrakech. Il est essentiel de continuer à soutenir cette dynamique.
Le marché marocain compte peu d’opérateurs de multiplexes. Peut-on parler d’un manque de concurrence?
Aujourd’hui, c’est surtout le spectateur qui choisit. Oui, nous échangeons avec les autres exploitants. L’idée est de faire avancer le secteur ensemble, en offrant la meilleure expérience possible. Un spectateur revient au cinéma lorsqu’il vit une bonne expérience, peu importe l’enseigne.
Une rumeur évoquait un possible retrait de Pathé du Maroc, ce qui expliquerait votre partenariat avec Marjane. Qu’en est-il réellement?
C’est totalement faux. Pathé n’a jamais envisagé de se retirer du Maroc, ni d’Afrique. Ce partenariat avec Marjane constitue avant tout une opportunité stratégique, pensée pour accélérer notre déploiement dans le Royaume. Nous croyons profondément au potentiel du marché marocain.







