La différence entre les deux hommes est déjà perceptible, en matière de communication. Au lendemain de sa nomination à la tête du Centre cinématographique marocain (CCM) et quelques heures seulement après la passation avec son prédécesseur, Sarim Fassi-Fihri prend l’appel de Le360 et nous trouve même un créneau dès le lendemain pour une interview. "Avec Nourredine Saïl, il fallait s’accrocher pour décrocher un rendez-vous, à moins de faire partie de sa cour", observe ce journaliste culturel qui suit le 7ème art marocain depuis des décennies.La dernière sortie médiatique de Nourredine Saïl date d’ailleurs de quelques jours seulement. Il campait à la Une d’un des quotidiens de la place, pour dire au sujet de son poste au CCM: "J’y suis, j’y reste encore". Dernier soubresaut d’un vieux routier de l’administration audiovisuelle ou arrogance démesurée qui allait précipiter sa chute? En tout cas, deux jours plus tard, son remplacement à la tête de l’administration cinématographique devient officiel. Une nomination en Conseil de gouvernement (du 2 octobre) qui est venue mettre fin à un suspens qui dure depuis 6 mois, un feuilleton à intrigue... Et surprise, c’est une grande figure du milieu qui le remplace.
Un fonctionnaire prospèreSarim Fassi-Fihri arrive avec 8 minutes en retard au rendez-vous donné dans un palace casablancais: il nous en avait annoncé 15 dans un texto envoyé au préalable. Ponctuel, le monsieur… Sa barbe légendaire n’a pas changé, si ce n’est quelques poils gris supplémentaires. Mais l’homme de 56 ans ne porte pas aujourd’hui de chapeau ; il est limite en tenue officielle, la cravate en moins. Quand il prend place, on est rassuré quand il tire de son étui un cigare de luxe. C’est que Sarim est ce qu’on peut appeler «un gros bonnet du cinéma marocain». Il est un des premiers producteurs au royaume et il préside leur chambre professionnelle depuis 1995. L’homme aime le cinéma, le cinéma le lui rend bien: le 7ème art a fait sa fortune. Sa société Moroccan Productions & Services (MPS) est une des plus grosses boîtes de Prod’ du Maroc. Il est aussi propriétaire des studios Cinedina au Sud de Casablanca (Lakhyayta), passage presque incontournable de toutes les productions étrangères. Bref, Sarim Fassi-Fihri est un homme riche. On se demanderait même ce qu’il vient faire dans la fonction publique, avec rang (et le salaire qui va avec) de Secrétaire d’Etat. Certains redoutent que ce soit une manière de faire prospérer son business de cinéma ; ils font le parallèle avec un certain Souhail Benbarka, qui dans une autre ère était à la tête de l’autorité de régulation cinématographique (CCM) tout en étant lui-même producteur, réalisateur, exploitant… Sarim Fassi-Fihri est conscient de cette interrogation légitime et se montre rassurant. Devant la caméra de Le360, il s’engage à se retirer du milieu de la production. Vidéo.
Vous l’avez vu, Sarim Fassi-Fihri laisse entendre que les islamistes ne représentent pas un danger pour le cinéma. Il donne à la limite l’impression qu’il leur est redevable. Peut-on alors compter sur son engagement quand des sit-in sont organisés pour protester contre des films marocains où on voit un bout de chair, une Spéciale verte bien de chez nous où ce que veut bien inspirer la créativité des cinéastes marocains ? L’avenir nous le dira. Mais pour l’instant, ce grand professionnel du cinéma est conscient des points faibles du secteur. Il espère pouvoir fédérer l’ensemble des acteurs pour dépasser ces freins à l’industrialisation de ce domaine artistique. Bribes de son programme, avec ses propres mots.