Menu: lentilles, merci et au revoir...

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ChroniqueJe ne sais pas si vous allez me croire ou pas, mais je vous jure que, quand j'ai lu cette info dans la presse la première fois, j'ai cru que c'était une vanne lancée par un journaliste cabotin ou une journaliste cabotine.

Le 25/10/2016 à 11h01

Qui l'eût cru, Lustucru! Le gouvernement allait se réunir, une réunion spéciale nous a-t-on précisé, pour discuter du problème de l'augmentation, paraît-il, spectaculaire, du prix des lentilles. Entre nous, je n'étais même pas au courant que les lentilles avaient augmenté. Ce n'est pas parce que je n'en mange pas – au contraire, c'est un de mes mets préférés – mais parce que... heu... je fais mes courses dans les grandes surfaces, je ne regarde pas les étiquettes, et je paye par carte.

En fait, je ne suis pas du tout riche, mais si jamais le prix des lentilles flambe, je ne vais pas en faire un plat. Je pourrais à la limite me rabattre sur les fèves – d'adore la « bissera »– ou sinon, par défaut, sur le saumon.

En fait, je ne le répèterai jamais assez: c'est vraiment dommage qu'on n'ait pas au Maroc une émission comme «Les guignols». Un truc comme ça, ça aurait donné lieu à des dizaines de sketches et de parodies qui nous auraient sûrement fait mourir de rire. En attendant, nous sommes obligés de nous contenter des couvertures faites par nos télés nationales, lesquelles, quoi qu'on puisse en dire, ne manquent pas, et nous devons les en remercier très sincèrement, de nous rapporter fidèlement les faits, tous les faits et rien que les faits.

Et c'est ainsi que j'ai pu visionner – pas directement, je n'ai pas quand même pas que ça à faire – la vidéo du speech de notre toujours et encore Chef du Gouvernement, que Dieu le perpétue, et qui dit très clairement que le but unique et fondamental de la «réunion spéciale» du gouvernement, ou ce qu'il en reste, c'est, je le cite, «de régler les affaires courantes», mais également, de «traiter les questions que la loi exige de traiter», comme, par exemple, «le problème de la hausse des prix de cette matière importante pour les marocains, à savoir les lentilles». Fin de citation.

Je peux sans doute me tromper, mais je ne pense pas que non seulement qu'on ait prononcé un jour, ne serait-ce qu'une seule fois, dans un conseil de gouvernement le mot «lentilles», et je suis sûr, jamais autant de fois que ce jour-là, c'est-à-dire, ce lundi 24 octobre, jour béni des Dieux s'il en est. Ce jour était d'autant plus béni que, dès que je me suis réveillé ce matin-là, je suis sorti dans mon balcon, et j'ai vu qu'il avait plu la nuit.

En fin de compte, et on ne le dira jamais assez, ce gouvernement est vraiment chanceux et il l'aura été jusqu'à la fin. Ou plutôt... la faim. Bon, maintenant, en rapportant tout cela, je ne sais vraiment pas ce qui a été dit, ni ce qui a été décidé, mais je vois d'ici, les ministres, levant le doigt ou la main, pour s'inscrire et débattre du... menu du jour: les lentilles. Mon dieu que c'est drôle! Ha ha ha! En vérité, je crois que je ne dois en rigoler, ne serait-ce que parce que ça ne doit pas être rigolo pour les petites bourses, qui sont légion au Maroc, et dont ça doit être le repas chronique principal.

Pour ma part, les lentilles, ça a toujours été un accompagnement ou, si vous voulez, une mise en bouche. Parfois, de temps en temps, je demande à ma bourgeoise - ou à sa remplaçante quand elle est absente - d'ajouter quelques petits morceaux de khlii, cette merveilleuse viande séchée et cuite dans son jus et dont je raffole (je vous en supplie, ne le rapportez pas à mon cardio). C'est un vrai délice. D'ailleurs, je sais que les bourgeois d'Anfa et d'ailleurs, en raffolent eux aussi.

Tiens! Ça doit être la bourgeoisie, à travers son représentant indirect, la CGEM, qui a tapé sur la table (à manger) et qui a exigé que le gouvernement, ou ce qu'il en reste, se réunisse, rapidement et spécialement, pour résoudre ce problème. Après tout, le peuple est habitué aux augmentations des denrées de première nécessité -applaudissements de la salle– par contre, les riches, ça arrive rarement pour ne pas dire jamais. Pour une fois, la cause est commune.

Blague à part, j'espère qu'ils ont trouvé une solution pour ramener le prix à son niveau antérieur, sinon, ça ne serait pas sympa de le laisser au prochain gouvernement, d'autant plus qu'aux dernières nouvelles, il serait tellement mélangé -je parle du prochain gouvernement- que ça ressemblerait à une vraie ratatouille.

Tenez ! La ratatouille, voilà une bonne idée de substitution aux lentilles.

Pardon, on me parle à l'oreillette. Comment? Les prix des légumes ont augmenté aussi? Ah bon?

Eh bien... Le gouvernement, ou ce qu'il en reste, va devoir organiser une autre «réunion spéciale».

Ordre du jour: patates, carottes et navets... Merci et au revoir. Vivement des lentilles moins chères et vivement mardi prochain.

Par Mohamed Laroussi
Le 25/10/2016 à 11h01