L’équipe nationale féminine de football est vice-championne d’Afrique. Nos filles n’ont pas gagné la Coupe d’Afrique des nations 2022. Ce n’est que partie remise pour 2024. Mais elles ont gagné les cœurs des Marocains qui en sont fiers. Elles ont gagné notre admiration, notre estime et notre respect. Elles ont aussi gagné la sympathie internationale.
Notre équipe a aussi décroché son billet pour la Coupe du Monde féminine de la FIFA 2023 en Australie et en Nouvelle-Zélande. La première équipe arabe de football féminin qualifiée à cette compétition. Encore une première! Comme celle de Nawal El Moutawakel, première femme arabe, africaine et musulmane à remporter une médaille d'or aux Jeux olympiques en 1984. Elle est aujourd'hui membre du bureau exécutif du Comité international olympique.
Quel est le secret de ce volontarisme, de ces performances de femmes sportives marocaines pionnières, montrant un modèle de détermination et d’affirmation de soi? Surtout dans une aire géographique où des milieux rétrogrades tentent de freiner l’épanouissement des femmes.
La symbolique de ces réalisations amène à s’interroger, au-delà du football et du sport, sur cette place singulière et remarquable des femmes marocaines dans le monde arabo-musulman et en Afrique.
Hier Nawal Moutawakel, Nezha Bidouane, Fatima Aouam, Hasnaa Benhassi (athlétisme), Samira Bennani (sports automobiles), Sara El Bekri (natation), et tant d’autres, qui ont levé haut le drapeau marocain. Aujourd’hui, elles s’appellent Nissrine, Ghizlaine, Rosella, Hanane, Khadija, Zineb, Fatima, Sanaa… des footballeuses accomplies.
De plus, elles ne négligent pas leur féminité. Aucun crâne rasé comme dans d’autres équipes. Et quelle beauté dans les cavalcades, les dribbles, les une-deux et ces époustouflantes accélérations des Lionnes, cheveux au vent. Fatima Mernissi aurait été ravie de les voir triomphantes.
Sur le plan de l’éthique du sport, on aura aussi remarqué le magnifique fair-play de notre équipe. Une seconde place de vice-championnes, sans plaintes, ni jérémiades pour justifier ou excuser un résultat. On déploie du beau jeu et on accepte le score. On n’incrimine personne. Ni l’arbitrage, ni la CAF.
Un obscurantiste, comique malgré lui et bien de chez nous, a osé dire que les shorts portés par nos joueuses, ainsi que leurs effusions de joie après un but sont «haram». Il en est encore là! Le discours type du «dalami» et son fonds de commerce verbeux centré sur la «minorisation» de la femme. Mais nos filles battantes avec leur mental d’acier ne le calculent même pas. Ni lui, ni ses congénères. They ignore them.
Les femmes marocaines n’excellent pas seulement dans le sport. Elles sont ingénieures, pilotes d’avions, architectes, médecins, avocates... Elles mènent aussi de belles carrières nationales et internationales dans les arts et la culture: théâtre, cinéma, télévision, arts plastiques, musique, chant. Elles conduisent des recherches pointues en sciences humaines et sont créatives en littérature et poésie. Elles sont toutes des Lionnes de l’Atlas.
Ce mental singulier des femmes marocaines peut aussi s’expliquer par une configuration psycho-sociologique et culturelle liée à la position géographique de notre pays qui a toujours été un carrefour d’échanges et de brassage entre l’Orient et l’Occident, dans le sens le plus noble. Tout en gardant son authenticité, il s’est nourri des valeurs positives issues de ces échanges ayant déterminé la tolérance, la modération et l'esprit d’ouverture qui permettent l’équilibre, l’aspiration à l’épanouissement et l’affirmation de soi.
Une configuration mentale, concernant aussi les Marocains, incompatible avec le repli, les crispations, les inhibitions et qui rend possible l’adaptation aux évolutions et la relève de tous les défis.
Mais rien n’aurait été possible s’il n’y avait pas un «environnement politique, juridique et social» au Maroc en faveur des femmes qui a installé les conditions favorables pour aboutir à ces réalisations sportives et autres. Tout cela, malgré des pesanteurs sociales réelles et des traditions obsolètes parfois tenaces.
Pour nos footballeuses, il y a eu, certes, une mobilisation importante de moyens matériels pour optimiser leur préparation. Mais cela ne fait pas la différence, car des pays encore mieux dotés de moyens n’ont pas abouti aux mêmes résultats.
En fait, les femmes marocaines (celles qui exercent une profession ou celles qui travaillent au foyer) évoluent dans une société rassurante qui, de plus en plus, récompense l’effort et encourage l’affirmation de soi. La femme marocaine, comme toutes les femmes du monde, a besoin de sécurité, de paix et de quiétude pour déployer la plénitude de ses capacités intellectuelles et créatives et pour surmonter les contraintes et les aliénations séculaires.
Depuis l’indépendance, l’Etat a toujours adressé des messages et des symboles forts pour amener la femme à s’inscrire dans la modernité et les évolutions positives, tout en préservant ses fondements identitaires. Les images des princesses marocaines ont été, et sont toujours, d’une admirable distinction, modernité et authenticité. Des exemples d’engagement dans des actions sociales. Leurs images iconiques sont gravées dans les mémoires.
La femme marocaine a toujours été au cœur de la dynamique du changement social et du progrès économique. Aucune prospérité n’est possible sans une participation décisive des femmes, un levier pour le «développement global».
Une conviction exprimée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans le Discours du Trône en 1999 dans une formulation forte: «Comment espérer atteindre le progrès et la prospérité alors que les femmes, qui constituent la moitié de la société, voient leurs intérêts bafoués, sans tenir compte des droits par lesquels notre Sainte Religion les a mises sur un pied d'égalité avec les hommes?».
Le Souverain a souligné la nécessité de rendre justice aux femmes, sur la base des droits prescrits par notre religion, «contre toute iniquité ou violence dont elles pourraient être victimes, alors même qu’elles ont atteint un niveau qui leur permet de rivaliser avec les hommes, que ce soit dans le domaine de la science ou de l’emploi».
Cette vision a déterminé des réformes et de nouveaux cadres juridiques qui ont veillé à moduler une synthèse clairvoyante entre les fondements religieux et les nécessités d’avancées sociales qu’exige la modernité.
En 23 ans, un ensemble de mesures d’ordre législatif et aussi politique ont fait évoluer des domaines où les pesanteurs étaient notoires. Le code de la famille de 2004 a constitué une réforme majeure, consacrant la femme marocaine en tant qu’individu à part entière.
En 2003, pour la première fois, une femme, Rajaa Naji Mekkaoui, professeure juriste, a animé une causerie religieuse ramadanienne, en présence de sa Majesté le Roi. Un évènement symbolique porteur de beaucoup de sens. La professeure, première femme marocaine à obtenir un doctorat d'Etat en droit privé, a développé une étude comparative sur la conception de la famille entre les sciences sociales modernes et la loi coranique. Après elle, d’autres femmes érudites ont animé des causeries.
Sur le plan de la gouvernance publique, les fonctions ministérielles sont de plus en plus investies par les femmes. A ce niveau, il ne s’agit pas d’une question de «parité», mais tout simplement de «compétence». Les femmes prennent des décisions dans les domaines universitaire, académique, éducatif, social et économique. Dans le secteur privé, elles déploient leur savoir-faire dans la gestion des organisations.
La présence des femmes est également remarquable dans les deux Chambres du Parlement, dans les instances judiciaires et dans le domaine de la diplomatie.
Dans le champ religieux, elles sont membres dans les conseils des oulémas. Elles sont morchidates et adouls (notaires de droit musulman), profession réservée auparavant aux hommes. Malgré le conservatisme de certaines franges dans ce milieu, la première promotion des femmes adouls est sortie il y a deux ans.
Toute cette dynamique est basée sur une approche consensuelle liant les fondements de la doctrine musulmane, les exigences d’adaptation et aussi les conventions internationales paraphées par le Maroc.
Il s’agit également de maintenir des équilibres sociaux complexes dans une société marquée par la diversité et le pluralisme. Sachant aussi que l’application effective des cadres juridiques réformés appelle à une temporalité particulière, relevant des mentalités et des traditions.
A côté de ces importantes avancées, il y a lieu de souligner que les femmes du monde rural et celles de zones péri-urbaines aspirent toujours à plus d’amélioration de leur situation. Surtout en matière de santé pour réduire, encore plus, cette pénible préoccupation de la «mortalité maternelle». Son taux a baissé, selon les chiffres de l’ONU (Fonds des Nations Unies pour la population) de 63% en 2017. Une enquête nationale menée sur la santé de la population et de la famille a démontré une baisse encore plus notable de 68% entre 2018 et 2019. Et aujourd’hui près de 90% des naissances sont assurées par des sages-femmes professionnelles. Mais, il est certain que l’effort est appelé à se poursuivre, surtout au niveau de certaines zones.
En évoquant le monde rural, reviennent à l’esprit ces belles images, que l’on croise sur nos routes pendant les voyages, de groupes de jeunes écolières, avec tablier blanc et cartables au dos, se dirigeant vers l’école de leur localité. Mais, cela ne saurait faire oublier que le chantier de l’éducation scolaire en milieu rural reste ouvert.
Pour revenir à la symbolique de notre équipe nationale, il est clair que le football féminin qui, désormais, mobilise au Maroc des millions de téléspectateurs, se développera en tant que «booster» d’une dynamique qui va changer, profondément, le regard porté sur la femme par les obscurantistes et autres machistes.
Même le regard stéréotypé et nourri de préjugés de certains Occidentaux sur la femme musulmane, maghrébine et africaine est sérieusement interpellé par les belles réalisations des Lionnes de l’Atlas. Et aussi celles de nos superbes amies les Super Falcons de l’équipe du Nigéria et les Banyana Banyana d’Afrique du Sud.