Toutes, sauf leur mère!

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ChroniqueSe faire traiter de pute est la condition sine qua non quand on rembarre un gros lourdaud ou qu’en règle générale, on fait perdre ses moyens à un homme à l’égo mal placé, et qui de surcroît manque de répartie.

Le 23/01/2022 à 13h02

La haine anti-marocaine qui gangrène la presse algérienne et beaucoup de ses représentants a encore frappé et, faute d’arguments à faire valoir, c’est aux femmes marocaines que l’on s’en prend. Suite à la défaite de l’équipe de football algérienne face à la Côte d’Ivoire, le commentateur algérien qui officie sur BeIN Sports, Hafid Derradji, et dont la langue fourchue est bien connue de tous, n’a pas pu résister à un nouveau dérapage.

Dans un échange sur Twitter avec une supportrice marocaine, celui-ci, piqué au vif par la caricature d’un Fennec à la mine défaite invité à retourner dans son désert, lui a répondu comme tout bon macho acculé et humilié qui prétend asseoir sa domination sur la femme, en la traitant de pute. Ainsi donc, a-t-il écrit en substance, toutes les femmes marocaines sont des putes, les Marocains des fils de putes et selon les dernières statistiques, 50% des Marocains seraient des bâtards. Des propos qui ont bien entendu fait bondir la Toile marocaine et que l’intéressé s’est empressé de nier en dénonçant un complot (encore un!) et un montage fabriqué de toutes pièces.

Ces propos insultants, nous autres les femmes, en général, connaissons bien cela. Se faire traiter de pute est en effet la condition sine qua non quand on rembarre un gros lourdaud ou qu’en règle générale, on fait perdre ses moyens à un homme à l’égo mal placé, et qui de surcroît manque de répartie. Ça fuse automatiquement, comme une gifle. La violence est l’arme des faibles, on ne le sait que trop bien.

Mais se faire traiter de pute quand on est marocaine, c’est quelque chose qu’on connaît bien mieux que d’autres femmes à travers le monde tant nous avons toutes croisé un jour ou l’autre cet air narquois, en proie à un mélange de crainte, de jalousie et de désir, avec sur le bord des lèvres une remarque désobligeante sur nos origines. Mi-putes, mi-sorcières, voilà l’étiquette que certains cherchent à nous coller. A croire que le plus vieux métier du monde serait marocain.

N’en déplaise aux hargneux complexés, la femme marocaine fait figure de femme libre au sein du monde arabe et c’est bien ce qui se pose problème aux autres. Pas obligée de se voiler, libre de s’habiller à l’occidentale, mais aussi de s’instruire, de voter, de conduire, de sortir seule, de voyager seule, de travailler, de faire de la politique, d’adopter un enfant sans un homme, de divorcer, d’être considérée aux yeux de la loi comme le chef de famille…. Nous les femmes marocaines sommes l’une des exceptions d’un monde arabo-musulman qui s’enferme de plus en plus dans le conservatisme, l’extrémisme religieux et le patriarcat.

C’est cette même liberté qui nous vaut aujourd’hui d’être stigmatisées non seulement par certains pays arabes mais aussi par des pays occidentaux et anciens colonisateurs. Car pour les uns ou pour les autres, la femme marocaine représente tantôt le fantasme d’une femme libre qui s’assume aux yeux d’une société liberticide et tantôt le fantasme colonial de la femme indigène enfermée qui se pâme devant l’homme blanc pour mieux se laisser dévergonder et donc libérer.

C’est cette liberté dont nous jouissons et qu’on nous envie qui nous vaut aujourd’hui d’être traitées de putes par des abrutis et qui il y a plusieurs siècles, a valu à des milliers de femmes, qui n’étaient autres que des femmes libres et les premières féministes de leurs temps, d’être brûlées vives et être accusées de sorcellerie.

Mais dans le cas de notre cher commentateur, on comprend mieux que sa haine se nourrit de rancœurs personnelles en écoutant un autre de ses dérapages sur un plateau télévisé, lorsqu’il déclarait fièrement détester tous les Tunisiens parce qu’il s’était vu refuser par le passé la main d’une Tunisienne par sa famille. Ceci dit, malgré son peu de respect pour les Marocains, c’est encore au Maroc que ce cher Hafid Derradji aime à passer ses vacances. Allez comprendre… Une schizophrénie qui nous rappelle ce cher Brahim Bouhlal, qui souffrait visiblement du même mal et à qui ce type de dérapages a valu un petit séjour à l’ombre, à Marrakech, qu’il n’est certainement pas prêt d’oublier.

D’ailleurs, il se pourrait bien que Hafid Derradji connaisse le même sort que son compatriote, mais au Qatar. En effet, le club des avocats du Maroc a déposé une plainte pénale auprès du procureur général qatari, le Dr Issa Bin Saad Aljafali Al Nuaimi, à l’encontre du journaliste, conformément aux dispositions de l’article 8 de la loi 14/2014 relative à la lutte contre la cybercriminalité. Cet article dispose en effet qu’une peine d’emprisonnement de trois ans est requise contre toute personne qui, par le biais d’un réseau informatique, viole les valeurs ou les principes sociaux, ou qui insulte ou calomnie d’autres personnes.

Par ailleurs, l’article 330 du Code pénal qatari, rappelle le Club des avocats au Maroc, dispose quant à lui que quiconque diffame, insulte une personne par téléphone, ou via une lettre écrite, ou d’une manière indirecte (internet) est puni d’un emprisonnement de trois mois et d’une amende de mille Riyals Qataris.

Pas besoin donc de se rabaisser au niveau de ce monsieur, la justice se chargera de le remettre à sa place. Mais soit dit en passant, à tous ceux qui voudraient surenchérir et nous abreuver de leur haine, se faire traiter dans ces termes, c’est tellement facile et prévisible que ça en devient lassant. Alors changez de disque les gars et surtout, faites-vous une raison, vous ne sortez pas de la cuisse de Jupiter… Demandez à votre mère.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 23/01/2022 à 13h02