Quand le courage de se dévoiler fait fantasmer l’Occident

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ChroniqueCe parallèle entre la France et l’Iran est à plus d’un titre dérangeant, car ce que ceux qui en usent, et en abusent, passent sous silence, c’est que dans un cas comme dans l’autre, la revendication des femmes voilées ou pas, c’est de s’habiller comme elles l’entendent!

Le 25/09/2022 à 13h31

Les manifestations qui agitent l’Iran suite à la mort de la jeune Mahsa Amini, dont la police des mœurs est tenue pour responsable, provoquent une véritable onde de choc. Arrêtée pour«port de vêtement inapproprié», la jeune femme de vingt-deux ans qui portait son voile de manière non réglementaire, avait été emmenée de force dans un centre pour y suivre une séance de «rééducation». Quelques heures plus tard, elle était transportée à l’hôpital après s’être effondrée en pleine séance d’interrogatoire, et avoir sombré dans un profond coma.

Régissant à la mort de la jeune femme, la rue iranienne s’est soulevée contre les autorités du pays, la police des mœurs dont on réclame le démantèlement et Ali Khamenei, figure de la dictature, dont on exige le départ.

Les images retransmises par les médias et les réseaux sociaux sont impactantes à plus d’un titre. Des femmes qui bravent les autorités en brûlant leur voile ou en se coupant les cheveux en pleine rue, soutenues par des hommes… On n’avait plus assisté à ce genre de scènes depuis le printemps arabe, ce fameux printemps où les femmes arabes étaient aux premiers rangs des manifestations contre le pouvoir en place dans leurs pays respectifs, en l’occurrence l’Egypte et la Tunisie. Ce fameux printemps où les femmes arabes sont devenues des icônes du féminisme occidental avant de tomber dans l’oubli, une fois le buzz passé.

On ne peut que soutenir le combat de ces femmes iraniennes,–mais aussi de ces hommes, ne les oublions pas– avides de droits, de justice et de liberté, car cette histoire s’étend bien au-delà du port réglementaire d’un voile. Mais le traitement médiatique d’une certaine presse occidentale nous fait grincer des dents à plus d’un titre, nous autres femmes et hommes de sociétés arabo-musulmanes.

Des femmes qui luttent pour ne plus avoir à porter un voile, c’est du pain béni pour certains pays qui ont diabolisé le port du voile… Les gros titres sont tout trouvés et les parallèles entre la France –puisque c’est bien d’elle qu’il s’agit– et l’Iran ont tôt fait de sortir du placard.

Eric Zemmour (encore lui) n’a pas manqué de sauter sur l’occasion, surfant sur cette vague opportune pour verser dans son registre habituel, la haine de l’autre pour mieux accentuer les clivages entre Français. «En Iran, les femmes se battent pour retirer leur voile. Dans les écoles françaises, on les menace quand elles demandent à des élèves de les retirer. Terrible contraste.»

D’autres journalistes ont emboîté le pas à cette réflexion, à l’instar de Christine Kelly, animatrice sur Cnews, qui tweete une interrogation faussement innocente. «Pourquoi une enseignante est menacée pour avoir demandé à une lycéenne à Paris de retirer son voile en appliquant la loi, alors qu’en Iran des femmes sont menacées parce qu’elles retirent leur voile, en bravant la loi?», questionne-t-elle, établissant un parallèle sournois entre la situation de la femme voilée en Iran et un fait d’actualité en France.

Même son de cloche avec Emmanuelle Brisson, journaliste chez Sud Radio, qui déclare «au Maroc, le burkini est interdit dans certaines piscines. En Iran, les femmes brûlent leurs hijabs. Mais nous, en France, les islamo-gauchistes, le Planning familial et d’autres, osent dire que le voile, c’est la liberté».

Ce parallèle entre la France et l’Iran est à plus d’un titre dérangeant, car ce que ceux qui en usent et en abusent passent sous silence, c’est que dans un cas comme dans l’autre, la revendication des femmes voilées ou pas, c’est de s’habiller comme elles l’entendent!

Se servir de l’exemple des Iraniennes qui se dévoilent pour mieux contraindre les Françaises de confession musulmane à faire de même est d’une malhonnêteté intellectuelle sournoise. Se servir de l’exemple du Maroc pour mieux asseoir cette supercherie l’est tout autant, car en agissant de la sorte, certains journalistes et médias français transforment des faits anecdotiques –l’interdiction du burkini dans certaines piscines marocaines– en faits majeurs de société.

Il aurait pourtant été plus juste et honnête de citer le Maroc comme un pays où femmes voilées et non voilées cohabitent dans le respect de l’autre, où les citoyennes peuvent, aux yeux de la loi, adopter le style vestimentaire de leur choix.

Sacraliser les Iraniennes comme étant des «femmes courageuses» qui veulent «être libres de porter des mini-jupes», par opposition aux autres, les femmes voilées et donc «victimes» d’un patriarcat oppressif, d’un islam politique liberticide, est la démonstration d’un féminisme occidental qui sert d’une part des intérêts néocolonialistes, et d’autre part à asseoir des discours islamophobes.

Il serait temps de rappeler quelque chose d’essentiel, la mode est, et a toujours été, politique, et ce, depuis qu’il a été décidé que les hommes et les femmes ne devaient pas s’habiller de la même manière.

Ainsi, si le fait de porter une mini-jupe a été un symbole politique de libération de la femme occidentale dans les années 1960, tenter d’assimiler cette même «révolution» à des pays d’autres cultures n’est pas approprié et ne le sera jamais. Les canons de la mode occidentale, et les messages politiques subtils dont ils sont porteurs, ne sont pas ceux des sociétés musulmanes et s’ils l’ont été un jour, c’était à l’époque de la colonisation. Notre manière de nous vêtir aujourd’hui au Maroc, et dans d’autres pays musulmans, n’en est que la conséquence.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 25/09/2022 à 13h31