Par chance, cette année, le 8 mars tombe un dimanche. Ça évitera à beaucoup d’employeurs l’affreux dilemme auquel ils sont confrontés chaque année à cette date pour "marquer le coup" auprès de leurs employées: une rose ou un bon de réduction pour une séance au spa?
Ça évitera aussi à de nombreuses employées de devoir simuler l’extase et une profonde reconnaissance en recevant cette "délicate" attention qui tend à leur rappeler chaque année leur condition de femme.
Sachez-le messieurs, à quelques exceptions près, cette journée nous horripile. Et plus les années passent, plus on développe une allergie tenace à ces campagnes d’affichages parées de rose, ces cartes bancaires pour "elles", ces offres téléphoniques déclinées au féminin, ces publicités où on ne nous traite plus en femmes-objets dénudées, pour vendre des voitures, mais en femmes décisionnaires habillées… pour vendre des voitures.
Lors de cette journée symbolique, le monde entier s’acharne à vouloir nous faire plaisir, à nous les femmes, à nous rappeler qu’on ne compte pas pour du beurre, à nous susurrer hypocritement à quel point on est intelligentes, fortes, uniques… blablabla.
Quelle ironie… Nous qui représentons près de la moitié de la population mondiale, avec un sexe-ratio de 102 hommes pour 100 femmes en 2015 selon l’ONU, avons droit à une journée mondiale au même titre que Tintin, le Pop Corn, les lépreux, les zones humides, la marmotte, la baleine et le moineau, le scoutisme, la vie sauvage, la plomberie, le fromage et les trains à vapeur…
Cette année, l’édition 2020 de cette journée mondiale qui nous est dédiées à nous autres, êtres humaines de sexe féminin, a pour thème «Je suis de la Génération Egalité: Levez-vous pour les droits des femmes.»
Mais de quelle égalité parle-t-on? Pas un pays au monde ne respecte cette notion d’égalité des sexes. Entre violences, injustices sociales, lois machistes et traditions patriarcales, nous sommes au XXIe siècle et pourtant un recul des avancées féministes durement acquises est en train de se produire dans de nombreux pays.
On pense notamment au droit à l’avortement, remis en question aux Etats-Unis par exemple, aux féminicides qui sont encore monnaie courante en France, à l’excision, que l’on pratique encore dans certains pays africains pour priver les femmes du plaisir sexuel, aux examens prénataux auxquels on se soumet en Inde et en Chine pour choisir d'avorter plutôt que s’endetter toute une vie pour subvenir à l’éducation et au mariage d’une fille. Et au Maroc, nous ne sommes pas en reste, comme tout le monde le sait…
«Levez-vous pour les droits des femmes», disent-ils… Ce qu’on en dit, nous, c’est qu’il est temps que les femmes prennent ce qui leur revient de droit, sans attendre qu’un homme, qui ne se lève déjà pas pour débarrasser la table, décide de se lever pour nos droits. Et après tout, ce n’est pas à lui de le faire. Pourquoi un homme défendrait-il nos droits, si nous, les femmes, ne nous sentons pas concernées et ne sommes pas capables de le faire nous-mêmes ?
Il est temps de nous considérer nous-mêmes non plus en tant que citoyennes de seconde zone, d’êtres humains de seconde catégorie, de victimes potentielles, et de prendre enfin conscience de l’importance du rôle que nous jouons chaque jour sur cette terre.
Cela veut-il dire que nous voulons nous «hisser» au rang occupé par les hommes? En terme d’égalité des droits et des chances oui! Ce n’est que justice.
Pour le reste, non, rassurez-vous messieurs, devenir des hommes est le dernier de nos souhaits. Nous aimons bien trop notre féminité pour cela. Nous sommes bien trop attachées à la magie qui entoure cette féminité, à l’incroyable pouvoir sacré qui nous a été conféré, à nous les femmes, de donner la vie. Et puis nous vous aimons bien trop avec vos qualités et vos défauts…
Alors merci quand même pour les fleurs et le chocolat...