Si on devait choisir une bonne nouvelle parmi d’autres cette semaine, ce serait assurément celle-ci: la fort probable introduction de l’éducation sexuelle dans les manuels scolaires des classes de primaire et collège.
A quoi doit-on cette avancée majeure (et soudaine) qui avait pourtant toutes les peines du monde à s’imposer comme une priorité au Maroc? Ironie du sort, au gouvernement El Othmani…
Mais non, ne rêvons pas, le gouvernement à majorité islamiste n’a pas pour autant viré sa cuti, décidant un beau jour, de libérer la parole «sexuelle» dans les écoles.
C’est plus compliqué et subtil que ça…
A la veille de son remaniement, le gouvernement El Othmani a en effet décidé, soudainement et à la surprise générale, d’adopter le pacte des droits de l’enfant dans l’Islam, lequel avait été signé en 2005 lors de la 32e session du Conseil des ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Organisation de la conférence islamique.
Ironie du sort, parmi les articles de ce pacte, l’article 12 induit l’introduction de l’éducation sexuelle parmi les matières enseignées au primaire et au collège. Mais ne nous y trompons pas, si éducation sexuelle il y a, ce sera selon les préceptes de la Charia car il est ici question d’accorder «le droit de l'enfant approchant de la puberté d'avoir une culture sexuelle saine qui discerne le licite de l'illicite».
Mais qu’entend-on par là? Que peut bien valoir l’éducation sexuelle à la lumière de la religion?
Pourra-t-on ainsi expliquer aux enfants l’utilité de la contraception et de la pilule du lendemain si l’on considère que de toute manière le sexe est interdit hors mariage et que l’avortement est à ce jour considéré comme illicite?
Quid de l'analyse de la notion de désir alors même qu’elle est réprouvée par la société ?
Comment abordera-t-on le volet consacré aux maladies sexuellement transmissibles puisqu’encore une fois, on part du postulat que sexe=mariage?
Qu'en est-il de la liberté de la femme à disposer de son corps?
Ainsi, sous couvert d’avancée, l’introduction de l’éducation sexuelle à l’école est un sujet à double tranchant qui occasionne et risque d’occasionner de nombreuses polémiques au Maroc, comme ailleurs.
L’introduction de cette matière, pourtant ô combien souhaitable à l’école, ne saurait être traitée à la légère, comme c’est actuellement le cas.
Nous revenons de très très loin. Faute d’éducation en la matière, de dialogues ouverts sur le sujet et de tabous écrasants qui entourent la question du sexe, les Marocains se sont formés eux-mêmes tant bien que mal et plutôt mal que bien.
Car depuis l’avènement du monde digital et de la télévision satellitaire, ceux-ci ont pu parfaire leur savoir sommaire par le biais de la pornographie. Le cocktail explosif composé par le tabou, le sexe et l’illicite n’est que trop bien connu de nous tous.
Le résultat est visible chaque jour dans nos rues. Le harcèlement, le viol, le non respect du corps de la femme, de l’enfant, voire même de l’animal sont autant de témoignages glaçants de ce qui résulte de cet enseignement autodidacte du sexe considéré comme un tabou et comme un acte illicite.
Parce que la question est grave, on se serait attendu à ce que le gouvernement, plutôt que d’adopter ce projet de loi de manière hâtive se concerte avec le CNDH comme le stipule d’ailleurs l’article 27 de la loi organique du Conseil national des droits de l’Homme.
On aurait espéré que ce pacte de l’enfant soit passé au peigne fin par des organismes nationaux compétents afin d’en éprouver la constitutionnalité et la conformité aux mécanismes internationaux des droits de l’Homme ratifiés par le Maroc.
Enfin, on aimerait comprendre, vraiment, les motivations qui se cachent derrière l’adoption de ce pacte alors même que le Maroc a déjà signé et ratifié plusieurs conventions internationales visant à la protection et à la promotion des droits de l’enfant?
A quoi répondait donc ce besoin de restreindre la notion des droits de l’enfant à une dimension religieuse?
Enfin, qu’advient-il du débat sur la légalisation de l’avortement au Maroc quand il est stipulé dans ce pacte que «l'enfant a droit à la vie depuis le moment où il est foetus dans le ventre de sa mère ou en cas de risque de décès de sa mère. L'avortement est interdit sauf dans l'intérêt de la mère, de l'enfant ou des deux à la fois»?
Autant de questions qui restent à ce jour sans réponse…