La faiblesse des performances de notre système éducatif est un fait connu et reconnu. Seuls 30% des enfants qui en sortent maîtrisent la lecture, l’écriture et le calcul. Cela a des répercussions sur le niveau de notre enseignement professionnel et supérieur, hypothéquant gravement notre capacité en tant que pays à profiter des avancées technologiques, voire à une utilisation correcte de la connaissance tout court.
La Commission spéciale pour un nouveau modèle de développement (CSNMD), tout en prenant acte de ces lacunes, a eu le mérite de proposer une meilleure approche du rôle du système d’éducation et de formation: il fait désormais partie de l’ensemble économique et social et doit répondre à ses besoins de développement.
L’approche pédagogique de la loi cadre 51-17 sur l’éducation est remise à sa juste dimension. Quant aux ambitions affichées, elles sont grandes: passer à un taux de performance de 30% à 90% en l’espace de 13 ans (2035), au prix d’un effort budgétaire supplémentaire moyen annuel estimé à 15 milliards de dirhams d’ici 2035.
En se limitant à fixer les objectifs et en proposant une enveloppe financière, la CSNMD n’a-t-elle pas été courte dans ses propositions d’une réforme du système d’éducation et de formation? Au risque de faire croire que la réussite de la réforme est uniquement une question de moyens, passant à la trappe la gouvernance.
Le sentiment qui se dégage de la lecture des divers documents et des déclarations des membres du CSNMD est que l’attention doit être portée au corps enseignant, clé de voûte de la réussite. A travers une revalorisation de son statut social, une amélioration de ses conditions financières, une mise à niveau de sa formation et des exigences de recrutement plus hautes pour les nouveaux arrivants. Réflexions justes. Toutefois insuffisantes pour la réussite d’une véritable réforme. N’y a-t-il pas d’autres acteurs au rôle essentiel dont on ne souhaite pas mettre en avant le rôle dans la réforme pour des considérations de confort politique, à savoir, par ordre d’importance décroissante: l’administration de l’enseignement, les syndicats, les associations de parents d’élèves et la gestion (leadership) du ministre et de son cabinet?
Commençons par la puissante administration de l’enseignement, les ministres défilent et elle est toujours là, avec sa mobilité réduite, sa faible productivité, son nombre impressionnant, ses lenteurs, bref… ses habitudes. C’est le maître d’œuvre de toute réforme, sans son assentiment point de réussite. N’est-il pas important, voire intelligent, de la considérer d’emblée comme acteur majeur de la réussite de la réforme, de revaloriser son statut et sa situation financière pour emporter son adhésion et sa réelle implication? Ce qui lui est demandé n’est pas mince, un véritable changement de perspective et de mission: le passage d’une gestion des ressources humaines et une petite production pédagogique à la mise en place d’une «nouvelle organisation», efficiente, destinée à l’atteinte d’un objectif nouveau: l’amélioration du rendement et la qualité de l’enseignement. Pour cela, elle doit se mettre au service de l’enseignant, lui assurer les conditions optimales de production. Se mettre au service n’est pas être son subalterne. Il va sans dire que ce changement de perspective requiert l’acquisition de nouvelles «compétences organisationnelles».
Au tour des syndicats. Dans l’histoire du mouvement syndical du pays, les syndicats d’enseignants ont toujours été puissants, comparativement aux autres. Politisés et pouvant mobiliser facilement, ils n’ont pas hésité à jouer de ces deux attributs pour tirer le maximum en avantages. C’est de bonne guerre. N’est-il pas temps de leur rappeler, le chef de gouvernement entretient de bons rapports avec eux, cela peut faciliter la chose, que le véritable syndicalisme comporte deux volets: la revendication et l’encadrement/formation. La deuxième mission a été mise aux oubliettes par nos syndicats. N’est-il pas temps et légitime, au vu de l’intérêt national de la réforme, de les interpeller sur leur contribution à sa réussite. L’Etat social, c’est aussi ça. Leur contribution positive participera à effacer une image de corporatisme obtus et de conservatisme, opposée à toute réforme, qu’ils colportent.
Une réforme de cette nature ne peut connaître un succès complet sans être portée par de larges pans de la société. Les parents d’élèves ne sont-ils pas de la partie? Leurs associations ne doivent-elles pas apporter leur soutien et propositions et en faire une demande qui émane d’abord de la société. Lassée d’être obligée de s’adresser à l’enseignement privé.
En mettant en quatrième rang le ministre (et ses collaborateurs), ce n’est pas amoindrir son rôle. Ses qualités de leadership revêtent une importance extrême. Toutefois, cela reste un seul homme face à une réforme qui requiert l’adhésion de composantes importantes de la société. Une des qualités majeures requises en lui est sa capacité de convaincre.
Le Maroc n’a pas d’autres choix que de réussir ses différentes réformes. Les déficits cumulés sont importants. Les contributions des uns et des autres ne peuvent être qu’appréciées.
Pour des raisons de format, cet éclairage doit se contenter de traiter les objectifs et les acteurs de la réforme. D’autres suivront et traiteront de la mobilisation des moyens financiers, du timing d’application et des différents types d’évaluations.