Malgré les efforts méritoires du gouvernement pour faire barrière à la hausse des prix, à travers le bouclier tarifaire de la compensation et autres mesures d’accompagnement, le taux d’inflation poursuit sa montée. Nous n’avons pas atteint les taux scandaleux à deux chiffres que connaissent nombre de pays, néanmoins nous sommes bousculés dans notre quotidien par une hausse brutale des prix à laquelle nous ne sommes pas habitués.
Les causes de ce phénomène sont clairement identifiées: l’augmentation des prix des énergies fossiles et celui des céréales à l’international, suite au conflit en Ukraine, à laquelle s’est ajouté l’explosion des coûts de transport internationaux après l’accalmie imposée par la pandémie Covid. Les factures des deux groupes de produits, où nous sommes structurellement déficitaires, grèvent, bien sûr, en des dimensions variables notre balance commerciale: la facture des énergies fossiles étant plus lourde. Leur cumul est source de déséquilibres économiques et d’inflation.
La probable inscription dans la durée, on parle d’années, de cette hausse des prix des produits de base, à cause de la guerre en Ukraine, dont la fin n’est pas proche, et une (géo)politisation inéluctable et excessive des échanges desdits produits, ne doit-elle pas nous interpeller en tant que pays, pour réviser nos orientations stratégiques? Tabler sur un retour «hypothétique» à un taux d’inflation plus modéré (2%), l’année prochaine, comme on prédisait un taux de croissance de 3% pour 2022, révisé à 0.7%, est-ce bien prudent dans une conjoncture internationale où l’enjeu est la lutte pour les premières places dans la conduite de la politique internationale pour ce siècle? Le Maroc a-t-il les moyens financiers pour actionner indéfiniment le bouclier tarifaire pour certains produits (gaz, céréales) et peut-il supporter économiquement et socialement une hausse continue des prix du pétrole et du charbon?
Nous avons déjà écrit sur les souverainetés alimentaires et énergétiques comme réponses souhaitables, à cette situation externe qui échappe au moindre contrôle, désormais elles deviennent une nécessité.
Subordonnées à un large consensus national les souverainetés sectorielles requièrent un travail en amont important et du temps pour leur mise en place. Le Roi Mohammed VI avait déjà attiré l’attention, dans son discours prononcé lors de l’actuelle rentrée parlementaire, sur la nécessité pour le Maroc d’assurer sa sécurité alimentaire, énergétique et sanitaire. L’orientation stratégique, sauf erreur d’interprétation de notre part, est bien là. Reste la mise en place.
Nous partons avec quelques avantages: une expertise certaine dans le domaine agricole et énergétique, dans ce dernier tant dans les volets renouvelables, nucléaires, réacteur de Maâmora, que gazier.
Les plans pour une souveraineté alimentaire s’ils ne sont pas déjà dans les coffres du ministère de l’Agriculture, ils le sont certainement dans les esprits de plusieurs de ses ingénieurs.
On attend la validation politique.
Pour la souveraineté énergétique, le sujet présente certaines complications qui transcendent l’arbitrage économique pur, pour aller bousculer certains intérêts qui ont leur poids sur la scène économique et politique nationale. Ce n’est pas une situation spécifique au Maroc, là où il existe, le lobby des hydrocarbures, est puissant.
La composition du mix énergétique du Maroc du futur est claire et prônée par la plupart des analystes vu son intérêt environnemental, économique et ses avantages d’autonomie politique vis-à-vis de l’extérieur. Un mix composé, par importance décroissante: d’énergies renouvelables, nucléaire et gaz. Ce choix devrait connaître une validation rapide, après le débat national promis par la ministre de la Transition énergétique que nous espérons très proche, pour des raisons de visibilité économique et pour mettre un terme à une confusion malsaine qui s’installe dans une partie de l’opinion publique entre intérêts personnels du chef de gouvernement et ses choix de politique économique.
En attente d’initiatives fortes du gouvernement dans les domaines précités, de la même veine de celles constitutives de l’Etat social, il faut continuer les efforts pour assurer la relance de l’activité économique et surtout assurer le financement des besoins croissants et inattendus du budget. Car là aussi se pose la question de souveraineté et d’autonomie de décision du gouvernement.
Le Maroc, qui mène une politique exemplaire en matière monétaire, a émis le souhait de profiter de meilleurs avantages pour l’obtention de nouvelles lignes de crédit du FMI. Celui-ci a cru bon, malgré tout, de surenchérir sur les conditions d’octroi. Au grand étonnement des observateurs et du «très sage» wali de BAM, qui d’ailleurs n’a pas retenu leurs demandes et a maintenu le taux directeur à hauteur de 1.5%.
La démarche n’est pas nouvelle pour le FMI, poser ses conditions en ignorant le contexte et leurs répercussions sociales sur les pays demandeurs est chose ordinaire pour cette institution.
Aussi une réforme fiscale respectant le principe d’équité et mettant à disposition de l’Etat d’avantage de moyens est plus que jamais à l’ordre du jour. On peut légitimement s’étonner que sur un PIB réel (secteur informel inclus) estimé à 1500 milliards de DH, l’Etat ne puisse prélever que 254 milliards, soit 17%, alors que dans des pays offrant des prestations sociales similaires aux nôtres le taux est supérieur à 25%. L’élargissement de l’assiette est un besoin impérieux pour mener une solide politique économique et fournir les moyens au gouvernement d’agir en fonction des spécificités du pays.
La société marocaine se pose plusieurs bonnes questions actuellement, preuve de sa vitalité. Notre conviction est qu’elle saura trouver le chemin des bonnes réponses pour améliorer sa souveraineté.