Bienvenue dans l’ère d’Instagram! Des photos à l’esthétique plus ou moins bien léchée, des filtres pour parfaire la beauté, des hashtags pour exprimer des idées et parfois même, sa spiritualité …
Dans ce monde aseptisé où tout le monde il est beau tout le monde il est gentil, ramadan n’échappe pas à la règle. On aurait pu croire que le mois de la spiritualité calmerait les ardeurs mercantiles des influenceurs, au profit d’un brin de profondeur… Que nenni.
Nouvel an, Saint-Valentin, 8-Mars et Ramadan: même combat! Depuis le 7 mai, les marketeurs en puissance que représentent les influenceurs ont dégainé leur panoplie ramadanesque pour mieux adapter l’offre à la demande.
Depuis quelques jours, un vent de sobriété «feinte» souffle ainsi sur Instagram. La problématique est de taille pour nos amies virtuelles. Comment faire tourner un business fondé sur l’image quand le mois est à la spiritualité, au profil bas et au zero make up?
Au placard les habituelles cuissardes, jupes en tulle, jeans slim taille basse, strings apparents, petites robes à fleurs qui faisaient la tendance il y a 10 jours à peine. Au placard aussi, les poses langoureuses, les regards incandescents et les moues de vamp’ assoiffées.
Il va falloir changer de méthode. Non, l’expression est trop faible. Il va falloir devenir quelqu’un d’autre… Belle mais pas trop, apprêtée mais sans avoir l’air d’y toucher, stylée mais discrète, maquillée mais sans que ça se voit, spirituelle mais tout en légèreté, mère et épouse parfaite à l’heure du ftour…
Bienvenue dans le monde des «bnet nass», bien sous tout rapport et surtout, bien sous toutes les coutures de leur jellaba/caftan/gandoura/kimono, aussi à l’aise en Louboutin qu’en babouche made in le Triangle d’Or casablancais sivouplé.
Pour les stylistes et les couturières, c’est une sacrée aubaine! Plus besoin de postuler à «Caftan» pour se faire connaître du grand public en passant sur 2M. On invite l’influenceuse en question à essayer des modèles, on lui en offre un ou plusieurs, et en contrepartie, nous voilà propulsé et suivi sur Instagram. Idem pour le monde de la restauration. Pour mieux faire passer la pilule d’un ftour à 600 balles par personne, on invite la demoiselle à manger gratis en contrepartie de photos culinaires et de chaudes recommandations à tester ce buffet tellement «yummy».
Toutefois, à ce petit jeu là, toutes n’affichent pas le même niveau de «professionnalisme». La palme de l’influenceuse ramadanesque est ainsi attribuée à celle qui arrive à combiner en un même post style, spiritualité… et business.
En ce mois sain de l’année 2019, nous tenons déjà une grande gagnante. Make up artist de profession, elle compte plus de 414.000 followers sur son compta Insta’ et a réussi à aligner le précieux tiercé gagnant.
Cette championne toute catégorie, dont on ne citera pas le nom pour ne pas lui faire de publicité gratuite (et oui tout se paie), pose ainsi seule, et avec son conjoint, à la Mecque, debout devant la Kaâba ou encore assise sur un tapis de prière au sein d’Al Masjid Al Nabawi. Des photos «spirituelles» accompagnées d’émoticônes tout aussi «spirituels» de mains jointes en forme de prière ou mains ouvertes vers le ciel en signe de prière aussi… Sans oublier les incontournables hashtags #hamdoullah #Maqqaalmoukarama, #madinatrassoulallah, etc… Voilà, ça c’est fait.
Reste maintenant la question du style et du business… Comment va-t-elle réussir cet exercice périlleux? Pour compléter le tableau, notre make up artist (et bonne musulmane mashallah) n’a pas oublié de tagguer sur ses posts la styliste qui a confectionné sa tenue, la marque de chaussures avec laquelle elle a collaboré pour créer une collection capsules de sandales (qu’elle porte bien entendu), et enfin, l’agence de voyages qui a organisé son voyage…
Applaudissements, sifflements, like, like, like, surlike, repost, émoticône «waw», émoticône «petits cœurs dans les yeux», émoticône «mains ouvertes vers le ciel»…
#dequisemoqueton?