Le train à grande vitesse Al Boraq est une merveille. Ceci n’est pas une publicité pour inciter les voyageurs à privilégier ce train plutôt que de prendre leur voiture, faire une route durant au moins cinq heures et courir le risque d’avoir un accident.
Al Boraq est une audace. Bien sûr, au Maroc, d’autres priorités s’inquiètent et attendent. En même temps, pourquoi ne pas rejoindre une modernité technique, une prouesse technologique pour gagner du temps et éviter les tracas de la route?
Pourquoi ne pas se réjouir d’une aussi belle réussite, comparable à celle de Tanger-Med ?
Aujourd’hui, des centaines de milliers de personnes prennent tout naturellement Al Boraq entre Tanger et Casa. Les hommes d’affaires comme les simples citoyens.
Je suis monté la semaine dernière dans ce bijou silencieux, efficace et agréable. Je me suis cru dans un autre pays. Heureusement que la belle nature marocaine, fleurie en ces premiers jours du printemps, me rappelait où j’étais. Je suis au Maroc, le plus beau pays du monde.
J’ai repensé aux opposants de ce projet royal. J’ai évalué ce que le Maroc a gagné en quelques mois en mettant à la disposition des voyageurs un train à grande vitesse, fiable et d’une ponctualité remarquable. Cela va nous obliger à repenser notre relation au temps et être à l’heure à nos rendez-vous.
Tous ceux qui ont voyagé à bord d’Al Boraq vous le diront: c’est une réussite qu’il faut reconnaître et apprécier.
L’existence de ce train a prouvé que les Marocains pouvaient être quasi-irréprochables: sérieux, efficaces, agréables et respectueux de l’environnement.
Certains disent qu’on aurait aimé retrouver ce sérieux dans d’autres domaines. On connaît les failles de notre pays: le système éducatif et la santé. Il se trouve que la crise sanitaire a donné au personnel de la santé l’occasion d’être performant, sérieux et efficace. Ainsi, on progresse, on avance à coups de crises. C’est connu, c’est dans l’épreuve qu’on se révèle fondamentalement.
Reste l’éducation. J’ai été invité par des écoles, des lycées pour rencontrer leurs élèves de la classe primaire CM2 à la terminale. J’ai découvert une jeunesse épanouie, attentive, curieuse de tout, voulant tout savoir et tout comprendre. J’ai évoqué avec eux aussi bien certains concepts de la philosophie à la portée des enfants que des thèmes délicats comme la religion, la liberté de conscience, le respect des différences et l’engagement pour protéger la nature.
J’ai oublié de signaler que ce sont des établissements privés qui m’ont invité. Ce sont souvent eux qui me sollicitent. Je ne dirai pas que leurs élèves sont représentatifs. Peut-être sont-ils exceptionnels. C’est là que le bât blesse.
On ne peut pas voyager confortablement à bord d’Al Boraq et ne pas penser à l’état de l’éducation dans notre pays. Comment la réparer? Par quoi commencer? Je sais que seulement 12% des parents inscrivent leurs enfants dans le privé, moyennant des sommes souvent indécentes.
Faudra-t-il attendre une grosse crise dans les écoles et les lycées publics pour enfin se mettre à réformer un système qui souffre depuis longtemps?
Cette interrogation prend tout son sens, alors que je suis bien installé dans le train à grande vitesse qui me ramène à Tanger en deux heures dix. Pas une minute de retard. C’est ça aussi le Maroc!
P.S. (qui n’a rien à voir avec Al Boraq): honte à Mme Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission européenne, qui a détourné les doses de vaccin pour les livrer aux pays européens. Avec la crise pandémique, l’Europe a démontré ses divisions, son inefficacité, son égocentrisme, et surtout son défaut d’humanisme.