A priori, les choses sont claires: l’élection présidentielle française ne concerne que les Français.
Ce sont eux qui votent, ce sont eux qui subiront les conséquences, heureuses ou malheureuses, de leur choix. Que peut chaloir à un Chilien l’âge de la retraite d’un Ch’ti? Que peut faire à un Finlandais l’infortune des fortunés du Finistère si Poutou rafle tout? Que peut… (On peut continuer longtemps comme ça.)
Cela dit, l’élection du Président de la République française n’est pas comparable, sans vouloir vexer personne, à celle de monsieur Gotabaya Rajapaksa qui veille au destin de ses administrés de Serendip.
L’un est membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, dispose de la bombe atomique et d’un soft power pas moins détonant –quatorze prix Nobel de littérature, et des peintres et des cinéastes et des troubadours… L’autre exporte du thé délicatement parfumé.
De même que les Américains ont le privilège exorbitant d’élire tous les quatre ans le roi du monde, ou du moins un quidam qui se donne pour tel, nos amis français ont le pouvoir de donner à la planète, tous les cinq ans, une sorte de coadjuteur ou de proviseur-adjoint.
C’est de ce point de vue, et seulement de ce point de vue, que cette élection concerne ze whole world et pas seulement ma’âme Michu ou Vincent, François, Paul et les autres.
N’étant pas Français, je ne peux déposer dans l’urne un bulletin. Mais ayant une bonne dizaine de cousins, neveux et nièces qui sont, eux, du genre hexagonal du côté de leur maman, j’ose croire que je pourrais user de mon influence avunculaire pour les orienter.
La question a donc mué, elle est devenue: qu’est-ce qu’un bon Président de la République française du point de vue de toute la population de la planète?
Je ne prétends pas détenir la réponse. Chacun est libre d’en apporter une. Mais il me semble qu’une certaine fidélité aux valeurs de 1789, aux Lumières, à l’idéal de liberté constitue un minimum.
Plus égoïstement: en tant que Marocain, je souhaite trouver chez le ou la futur(e) président(e) une certain considération pour mon pays, pour sa profondeur historique et ses intérêts du temps présent. Qu’il ou elle nous voit comme des partenaires et non comme des rivaux et tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes.
J’ai donc lu attentivement le programme de chaque candidat et j’en ai tiré mes conclusions, que j’ai partagées avec S., N., A. et les autres –mes cousin(e)s et nièces et neveux. Choisissez le bon bulletin, petits Laroui français. (Je leur ai suggéré deux noms.)
Dimanche, je voterai donc dix fois, sans même avoir besoin de me déplacer, pour le meilleur coadjuteur de la planète.
A vous d’en faire autant si vous avez dans votre famille un concitoyen de Zidane ou du commandant Cousteau…
Note du directeur de la publication: dans le deuxième paragraphe, l’étrange emploi de l’infinitif «chaloir» par notre chroniqueur n’engage que lui. Les correcteurs n’en ont trouvé nulle trace chez les auteurs de référence.