El Jadida et Sète sont jumelées. Pourquoi? Je n’en sais rien. La cité marocaine est quatre fois plus peuplée que son homologue française. Étrange gémellité, qui rappelle plutôt la recette du fameux pâté de cheval et d’alouette –«prenez un gros cheval et une menue alouette, hachez, mixez, salez…» D’ailleurs, ça tombe bien, El Jadida est la capitale du cheval et le plus beau poème écrit sur Sète, Le cimetière marin de Paul Valéry, s’ouvre sur l’image d’oiseaux marchant sur un toit…
Bon, on se calme, c’est vrai qu’il fait chaud là où je me trouve, écrivant ce billet, mais ce n’est pas une raison pour divaguer.
Reprenons. Pourquoi ces deux villes sont-elles jumelées? L’une est atlantique, l’autre méditerranéenne; l’une est malheureusement négligée, anarchique, pas très propre (ça me désole), l’autre est soignée et pimpante. Bref, si elles sont jumelles, on dirait l’une bâtarde –pater semper incertus– et l’autre, fille adorée de ses parents.
Cela dit, ce jumelage m'enchante. Outre Valéry, déjà cité, Sète est la ville de Jean Vilar, homme de théâtre, créateur du festival d’Avignon, mais surtout – à mes yeux– celle de Georges Brassens. Allez donc écouter sa Supplique pour être enterré en plage de Sète, ce superbe hommage rendu à sa ville natale– notez comme les phrases sont ciselées et les mots précis et sonores– et revenez lire la suite de ce billet. Essayez ce site. Je vous attends patiemment, en sirotant une citronnade, le stylo posé.
Hein? Qu’est-ce que vous en dites? Quel est le poète qui écrira une telle merveille sur El Jadida? À vos plumes, doukkali(e)s rimailleurs et ailleuses!
Bref, vous l’aurez compris, ce jumelage, s’il m’étonne, ne manque pas de me ravir.
Or voilà que mon frère me propose, dimanche dernier, d’aller à El Jadida avec sa femme et leurs deux petites filles, pour visiter une exposition qui célèbre, justement, le trentième anniversaire du jumelage de notre bonne ville et de la cité de Brassens. Aussitôt dit, aussitôt fait, et vogue la Hyundai! Les petites filles chantent, le moteur ronronne, l’air est pur, la route est large.
Hélas… Arrivés à bon port, c'est-à-dire au complexe culturel de la rue de Fès, en face de l’ENSGJ, nous nous cassons le nez sur la porte. C’est hermétiquement fermé. Pourtant l’affiche qui –ironie suprême– orne encore la façade, annonce “du 4 juin au 12 juin“. Nous étions le 12 juin.
Le gardien –qui n’y peut rien, le pauvre– ne peut expliquer cet imbroglio. Quelqu’un –qui?– a décidé de clore le truc prématurément, voilà tout. Et tant pis pour les amateurs de culture qui viennent de loin.
En guise d’exposition, nous nous contentons, mon frère, sa femme, moi et les deux gamines –elles pleurent, maintenant–, de nous planter sur le trottoir et de lever le nez pour contempler sur l’affiche la face réjouie du peintre Alain Delmas.
Il semble nous dire, ironique: «ce n’est pas à Sète qu’on se moquerait ainsi du monde, hein?»