J’ai appris sa mort par hasard, en parcourant négligemment la petite actualité des réseaux sociaux. J’ai lu et relu son nom, pour m’assurer qu’il s’agissait bien de lui. J‘avais malgré tout un doute parce que je n’ai vu passer nulle part sa photo. Et puis les journaux et les sites d’information n’ont rien communiqué au sujet de son décès. Que faire dans ce cas?
J’ai agi à l’ancienne, quand nous n’étions pas encore envahis et cernés de partout par toutes sortes d’informations, même les plus futiles. J’ai simplement pris mon téléphone et vérifié l’information par moi-même. Oui, il s’agit bien de lui. Abdeslam Oumalek est mort. Il a, selon la formule consacrée, rendu l’âme des suites d’une longue maladie.
Je ne vais pas raconter sa vie parce que je ne la connais pas. A quoi bon? Je ne suis pas un intime du défunt. Mais je sais ou plutôt j’ai vu deux ou trois choses de lui qui ne laissent guère de place au doute. C’était un brave.
Je le vois encore avec sa silhouette maigre et nonchalante et cette impression qu’il pourrait tomber d’un moment à l’autre. Mais il ne tombait jamais! Malgré son costume trop large, malgré le brassard qui lui serrait le bras et les tracasseries qu’il essayait de régler à sa manière, qui était douce et très humaine.
Vous avez compris, le défunt était un militant de gauche. D’une sincérité et d’un dévouement confondants. A voir sa tête d’enfant, on n’aurait jamais dit qu’il avait connu des années de privation, entre prisons et mauvais traitements.
Cette douleur et cette souffrance qu’il avait en lui, et qui transparaissaient dans son regard triste, lui ont fait gagner un incroyable supplément d’âme et d’humanité. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, beaucoup d’hommes passés par des épreuves très dures sont devenus d’une douceur à la limite surréaliste. Driss Benzekri par exemple était comme ça. Et Abdeslam Oumalek aussi.
Ils sont quelques-uns à être comme ça, pleins d’humanité et de douceur. Mais une douceur qui cache une détermination sans faille.
Et c’est finalement ces hommes et ces femmes, qui ont connu le pire sans être aigris, et qui ont fini par faire triompher l’espoir qu’ils portent aussi en eux, c’est eux et c’est elles qui donnent encore du sens au mot militantisme. Surtout le militantisme de base, de l’ombre, sincère et désintéressé, qui traduit au final un vrai amour pour son prochain et une sorte de naïveté enfantine sans laquelle nous ne serions que des machines cyniques et insensibles.
La plupart sont humbles et parfaitement inconnus, comme le brave Abdeslam Oumalek. Ce texte leur est bien sûr dédié.