La composition de la future majorité gouvernementale ayant été annoncée hier matin, il est temps désormais de s’attarder un bref moment sur ce qui prendra l’allure d’une opposition parlementaire, sans en avoir forcément la carrure. Souvent perçue par les partis comme un purgatoire politique, l’opposition est avant tout un pilier fondamental de tout système démocratique qui se respecte.
Avec 125 élus, soit un peu moins d’un tiers du total des sièges de l’hémicycle qui en comprend 395, l’opposition semble plus éclatée que jamais.
Quantitativement, elle ne pourra, sauf dissension interne propre à la majorité, empêcher l’adoption d’aucune loi, ni en obtenir l’amendement. Installé confortablement dans sa majorité absolue avec 270 élus, le trio de tête «RNI-PAM-Istiqlal» pourra même initier un changement de la constitution comme le prévoit l’article 173 de la constitution. «Tant mieux!», diraient certains, qui y verraient une rupture avec le patchwork gouvernemental de ces dix dernières années. «Soyons sur nos gardes!», diraient d’autres, en avançant comme argument que l’esprit démocratique implique un certain équilibre entre une majorité qui se doit d’être fonctionnelle, et une opposition qui se doit d’être capable d’incarner le rôle de garde-fou et de contradicteur crédible et constructif.
Par-delà la dimension quantitative qui comme nous l’avons souligné n’accordera qu’un rôle formel à l’opposition, la dimension qualitative semble poser des problèmes ô combien insolubles.
Regardons de plus près. D’un côté, nous avons 4 partis de gauche «USFP-PPS-FGD-PSU» qui s’entendent comme chien et chat. Incapable de s’unir dans un front commun de gauche avant les élections, ces derniers ont vu leurs clivages et leurs rivalité s’accentuer d’avantage, souvent pour des questions triviales d’égo, notamment avec le divorce consommé entre la FGD et le PSU.
Quant à l’USFP dont la gloire d’antan semble définitivement révolue, ce parti se déclare en chantier de reconstruction depuis au moins 2016, malgré le score relativement honorable réalisé durant ces législatives. 34 sièges, ce n’est certes pas rien, mais leur portée idéologique semble quasi-nulle, au point de se demander si ce parti est encore réellement de gauche.
Vient ensuite le PPS avec ses 22 sièges qui ne pèseront certainement pas lourd sur la balance. Certes, le parti a su préserver un substrat idéologique de gauche, et ce malgré son alliance hasardeuse et maladroite avec le PJD, mais un énorme travail reste à faire en vue de reconquérir l’électorat populaire. Une cure d’opposition pourrait finalement faire du bien au parti du livre.
Enfin, le MP et l’UC avec respectivement 28 et 18 sièges chacun. Pas besoin de trop s’attarder sur ces partis du centre, qui bien que non dénués de qualités, ces derniers ne sont cependant pas particulièrement réputés pour leur véhémence politique, et encore moins pour avoir un positionnement idéologique clivant et clairement formulé.
Ah oui, j’ai failli oublier, le PJD ou ce qu’il en reste. Avec une présence résiduelle de 13 élus, le parti de la lampe est incapable de constituer un groupe parlementaire. Cependant, libéré des contraintes inhérentes à l’exercice du pouvoir, ce parti risque probablement de faire preuve d’une véhémence et d’une radicalité, qui furent son fond commerce durant les élections de 2011 et de 2016. Loin d’être définitivement mort politiquement, le PJD sera bien au contraire aux aguets et à l’affut de la moindre erreur de l’exécutif pour se refaire une crédibilité, ayant été incapable de la garder durant ces deux précédents mandats.
Il en résulte que la cartographie politique de ces cinq prochaines années s’articulera autour d’une majorité hégémonique mais sans alibi aucun en cas d’échecs, et non pas d’une opposition mais de plusieurs oppositions au sein même de l’opposition, avec 7 partis qui se regarderont en «chiens de faïence».
Ainsi, comme d’habitude au Maroc, la forme démocratique semble avoir été pleinement respectée, quant à l’esprit démocratique, ce n’est pas demain la veille qu’il s’incarnera politiquement.