De Blinken à Zelensky en passant par Sanchez, le Maroc trace son chemin

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ChroniqueQuant aux sanctions, cela relève du choix souverain de chaque pays, tant que ces dernières n’ont pas été imposées par l’ONU. Un scénario totalement exclu du fait du véto russe et probablement chinois. Ainsi, ni Kiev, ni Moscou, ni Paris ni aucune autre capitale n’a le droit de mettre la pression ou de s’ingérer dans les affaires du Maroc.

Le 31/03/2022 à 12h01

Hier soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé à la fin d’une vidéo prétendument tournée à Kiev, qu’il a signé l’ordre de rappeler ses ambassadeurs au Maroc et en Géorgie. L’argument étant que la guerre qui l’oppose à la Russie ne se limite pas au champ de bataille, mais comprend également le champ économique et diplomatique. Son objectif est clair et limpide. Mettre la pression sur les Etats non occidentaux qui refusent pour différentes raisons de s’aligner sur les sanctions économiques et financières occidentales imposées à la Moscou.

La position du Maroc a pourtant été claire. La diplomatie marocaine a rappelé depuis l’enclenchement du conflit et à plusieurs reprises son attachement au droit international, en affirmant l’attachement du Royaume du Maroc au «principe de non-recours à la force pour le règlement des différends entre Etats» et «son soutien à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de tous les Etats membres des Nations Unies».

Quant aux sanctions, cela relève du choix souverain de chaque pays, tant que ces dernières n’ont pas été imposées par l’ONU. Un scénario totalement exclu du fait du véto russe et probablement chinois. Ainsi, ni Kiev, ni Moscou, ni Paris ni aucune autre capitale n’a le droit de mettre la pression ou de s’ingérer dans les affaires du Maroc en vue d’infléchir un choix qui relève de sa souveraineté.

Rappelons que même la Hongrie qui fait partie autant de l’Union Européenne que de l’OTAN, a adopté une position plus prudente que ses partenaires occidentaux concernant la Russie. Le 24 mars dernier, le premier ministre hongrois Viktor Orban a annoncé juste avant une réunion des dirigeants européens, qu’il était irrévocablement contre l’extension des sanctions au secteur de l’énergie, en ajoutant que «nous devons protéger les intérêts nationaux de la Hongrie». Zelensky va-t-il rappeler son ambassadeur à Budapest? Permettez-moi d’en douter.

Cela étant dit, sur un registre moins anecdotique, la récente visite du secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a été l’occasion de rappeler les liens solides entre nos deux pays, ainsi que le soutien inconditionnel de Washington au plan d’autonomie proposé par le Maroc concernant nos provinces du Sud, en le qualifiant de «crédible, sérieux et réaliste».

Bien que d’autres aspects du partenariat stratégique liant nos deux pays ont été évoqués, c’est la visite de Blinken hier à Alger qui risque d’être la plus intrigante.

En effet, depuis quelques semaines, Washington tente avec de plus en plus d’insistance d’infléchir la décision unilatérale d’Alger de ne pas renouveler son contrat avec le Maroc concernant le gazoduc «Maghreb-Europe». Le but de la manœuvre américaine est de créer le plus possible d’alternative gazière à la Russie, afin de permettre à aux pays de l’Union Européenne d’imposer un embargo énergétique à Moscou. Chose qui relève de l’impossible pour l’instant, puisque l’UE dépend à hauteur de 45% du gaz russe. Pour certains pays comme l’Allemagne, la Hongrie ou encore la République Tchèque, le niveau de dépendance se situe entre 60 et 100%.

Dans cette perspective, les Américains sont allés jusqu’à accélérer la relance des accords de Vienne de 2015, en vue de réintégrer l’Iran dans le marché gazier mondial, au grand dam d’Israël. Ils tentent également des rapprochements avec le Vénézuela concernant le pétrole. Rappelons qu’il y a quelques mois encore, Washington considérait ces deux pays comme des Etats voyous.

Quoiqu’il en soit, le propre du réalisme en géopolitique étant de tirer le meilleur du réel au profit de ses intérêts nationaux, le Maroc a tout à gagner de ce bras fer, du moins concernant la question gazière. Car si jamais les Etats-Unis arrivaient à obtenir une réouverture du gazoduc «Maghreb-Europe», cela constituerait incontestablement une déconvenue diplomatique pour l’Algérie, et un affermissement du rôle stratégique du Maroc dans la région. Ajoutons à cela le récent changement de position de Madrid au profit de Rabat concernant le plan d’autonomie pour nos provinces du Sud, qui vient accroître l’enclavement diplomatique de plus en plus prononcé d’Alger, qui perd ses alliés, ou du moins ses soutiens, les uns après les autres.

Le génie c’est de durer, disait Goethe.

Par Rachid Achachi
Le 31/03/2022 à 12h01