Selon ta’cib, une femme ne peut hériter seule, sans homme! Si le défunt ou la défunte n’a eu que des filles, ses frères et sœurs héritent le quart du patrimoine Selon quelle logique? S’ils n’ont que des sœurs et pas un frère, l’oncle paternel hérite avec les sœurs, sinon c’est le cousin paternel…
Avant, les femmes ne savaient pas gérer un patrimoine. Mais aujourd’hui, une femme qui est procureur du Roi, juge, médecin pilote, ambassadeur, chef d’entreprise… en est-elle incapable?
S’il vous plaît, avant de juger, lisez ces témoignages pour évaluer les dégâts du ta’cib sur la veuve, mais aussi sur le veuf et les orphelines. C’est inhumain, et ta’cib n’a pas été dicté par le Coran, mais par le fiqh! La chronique de vendredi prochain sera consacrée à plus de détails sur ce sujet.
Redouane, 56 ans: «ma femme et moi avons trimé pour payer notre appartement. Elle est décédée suite à une maladie. Je me suis endetté pour payer ses soins. Lors des funérailles, ses frères et sœurs m’ont demandé d’ouvrir son placard pour répertorier ses bijoux. Un immense choc! Je leur ai dit que c’est elle et moi qui les ont payés. Réponse: «Dieu nous donne une part dans tout ce qui appartient à notre sœur». Ils ouvraient les placards, jetaient à terre leur contenu pour chercher les bijoux. Je hurlais, mes filles sanglotaient. Les héritiers ont déposé plainte pour leur part dans l’appartement. Craignant qu’il soit vendu aux enchères par le tribunal, je l’ai bradé et j’ai payé leur part. Après avoir payé les taxes, je n’ai pas pu acheter un autre appartement. Sans maison, sans salaire de ma femme, je me suis appauvri. Mes filles sont traumatisées. Je ne pense pas que Dieu apprécie cette injustice».
Hicham, 48 ans: «j’ai quatre filles. Ma femme et moi avions un magasin. Après son décès, ses sœurs et son oncle paternel ont pris ce qu’ils voulaient de la maison. C’est horrible de se faire dépouiller dans son intimité! Le magasin appartenait à moitié à ma femme. Harcelé, j’ai dû le vendre pour leur donner leur part. J’ai chômé car l’argent qui me restait ne suffisait pas pour acheter un autre magasin. Je fais des petits métiers. Mes filles ont perdu leur mère et leur confort».
Naziha, 70 ans: «je suis fille unique. Ma mère a laissé la villa dans laquelle je vivais avec mon mari et mes deux filles. Mes oncles et tantes, héritiers, réclamaient un million de dirham. Ils me menaçaient de vendre la villa. J’ai loué chacun des deux niveaux à deux familles qui m’ont avancé cinq ans de loyer. J’ai vendu un appartement dont le loyer payait l’école des filles. Nous avons habité cinq ans dans le garage de notre maison! Aucune pitié de la part des héritiers qui disaient que c’est la volonté divine».
Mina, 58 ans: «mon père est décédé, nous laissant ma mère et mes cinq sœurs dans une baraque dans un bidonville. Ses frères réclamaient 10.000 DH. Ils ont vendu la baraque et nous ont mis à la rue. Mes sœurs ont quitté l’école et moi, je me suis mise à la prostitution. Dieu est clément, il me pardonnera».
Wafaa, 44 ans, vit dans un quartier huppé de Casablanca: «j’ai quatre filles. Au décès accidentel de mon mari, sa sœur et ses frères ont demandé la clé de notre chambre à coucher et du coffre-fort: «on ouvrira la chambre en présence des héritiers!». Un avocat m’a confirmé qu’ils héritaient de tout, même des casseroles si je n’ai pas de factures en mon nom! Un tsunami s’est abattu sur mes filles et moi. Un calvaire avec les héritiers dans le partage de l’héritage: à chaque fois l’un d’eux faisait des caprices sur la part à prendre. Nous étions leurs otages avec la complicité de la loi».
Aïcha, 75 ans: «mon mari est décédé, me laissant cinq filles. Nous habitions à la campagne, dans un terrain que mon mari avait hérité de son père. Mon beau-frère nous a chassées pour récupérer sa part du terrain. J’ai été à la gendarmerie. On m’a conseillé le tribunal. Je n’ai pas d’argent et je suis analphabète. Nous avons erré avant de nous installer dans un bidonville. Mes beaux-frères vivent bien, leurs enfants ont fait des études. Mes filles mendient».
Sara, 38 ans: «nous sommes dix filles. Mon père travaillait en France et envoyait de l’argent à ma mère qui a construit une maison à Tanger. Il a refusé de la mettre au nom de ma mère, convaincu que c’est péché de priver ses frères et sœurs d’un bien donné par Dieu. Après son décès, ses frères ont déposé plainte. Nous avons pleuré, supplié, embrassé leurs pieds. Sous ordre du tribunal, la maison a été vendue et les huissiers nous ont mises à la rue! Maman a dit à mon oncle: «tu es pieux et tu mets une veuve et dix orphelines à la rue?». Réponse: «je réclame que ce Dieu m’a donné!» Nous vivons dans une misère que Dieu ne peut cautionner».
Leila, 50 ans: «mon mari et moi travaillions dur pour nos trois filles. Nous avions un appartement payé à crédit. Nous voulions le mettre au nom des filles, mais les taxes sont onéreuses. Mes beaux-frères et belles-sœurs ne nous ont pas aidés à payer nos traites ni à nous meubler! Ils ont pris ce qu’ils voulaient de la maison, sous mes supplications et les pleurs de mes filles. Pire: le compte bancaire de mon mari était bloqué, puisqu’il y avait des héritiers. Ils héritaient aussi dans sa voiture qui est restée bloquée six mois. Son frère qui vivait aux Etats-Unis a tardé à rentrer et sans lui, tout était bloqué. J’ai dû leur donner 8 000 DH pour leur part dans la voiture. Du jour au lendemain, plus de mari, plus d’argent, plus de voiture, et je devais donner le quart du prix de l’appartement aux héritiers! Un cauchemar! Dieu en a décidé ainsi».
NON, pas Dieu. Les êtres humains et leurs lois!