Le shopping, plaisir masculin ou seulement féminin?

Famille Naamane

ChroniqueLécher les vitrines, s’extasier, fouiner, scruter, dénicher la bonne affaire, refouler la voix de la conscience qui rappelle à l’ordre… Le vestiaire, s’admirer, pivoter face au miroir amincissant, hésiter, demander conseil… Quitter le magasin avec ou sans achat, vitrine suivante, rentrer, recommencer. L’extase!

Le 22/07/2022 à 11h02

Les hommes, eux aussi, deviennent coquets et adeptes du lèche-vitrine. Ils s’attardent dans les magasins, cherchent les couleurs qui vont ensemble… Le diktat de la mode les a soumis. Leur placard s’étoffe ainsi que leurs produits cosmétiques. Les hommes n’avaient que le zizouare (rasoir), chabba (pierre d’alun) pour stopper le sang, sabona d’el hajra (savon) pour laver le corps, les cheveux, les dents, les habits et pour certains, l’eau de Cologne Rêve d’Or ou Manhattan. Jetez un coup d’œil aujourd’hui aux produits masculins: gel douche, shampoing, démêlant, gel pour cheveux, crème du visage, crème du corps, déodorant, after-shave, parfum, bombe à raser, dentifrice, crème dépilatoire pour le torse, ouzide ouzide!

La mode et la coupe de cheveux Undercut: arrière du crâne et côtés rasés pour garder plus de longueur et de volume en haut.

Khalid: «j’aime le shopping utile, avec modération, pour être beau, tendance, acheter des articles précis, selon mes besoins et non pour traîner». Son épouse: «tu achètes peu de vêtements. Si je n’insistais pas, tu serais comme un clochard! Tu gardes tes costumes 10 ans et tu refuses de les donner».

L’époux: «les femmes achètent sans besoin. Wa bazzaaafe (trop). Et les chaussures ! On dirait des mille-pattes!» 

Pour s’habiller, beaucoup d’hommes se fient aux choix de leur dulcinée.

D’autres préfèrent être accompagnés par les épouses pour éviter leurs critiques. Mais prudence! Ahmed:«je ne prends qu’une somme d’argent limitée, sinon elle pousse à la consommation». Des sorties qui finissent souvent par des disputes.

La majorité des hommes déteste le shopping en couple. Mehdi: «les femmes explorent les magasins sans acheter, essayent des tenues pour le plaisir».

Les femmes sont adeptes de limachra yatnazahe (si tu n’achètes pas, profite pour te réjouir). L'homme peut capituler: «la dernière fois, on est sorti pour m’acheter un pantalon. On est revenu avec une robe! Parfois, elle me ment; elle jette le ticket avant que je tombe dessus. Après, c’est pâtes et tagines sans viande pendant une semaine!»

Les dépenses des dames sont un sujet de discorde à répétition avec leur moitié…

Elles refusent cette ingérence masculine quand elles ont des revenus personnels. Aziza: «la grande majorité de mon salaire va au foyer et aux enfants. Je travaille et j’ai besoin de toilettes variées. C’est mon argent. Je me fais plaisir».

Les vacances! Naaaari les vacances! Au nord du Maroc ou en Espagne, des scènes hilarantes. Le mari accompagne épouse et enfants dans des centres commerciaux. Les femmes y tardent. Les hommes, à bout de nerfs, s’assoient à la porte du magasin: mine déconfite, ils se regardent avec pitié, se plaignent les uns aux autres sans même se connaître, tout en gardant un œil sur leurs enfants surexcités. Ils ne peuvent même pas leur courir après car ils doivent surveiller les tas de sacs que les épouses déposent à leurs pieds avant de disparaître à nouveau. «Awili! Allah yakhli les vacances (Dieu maudisse). Je suis là pour la plage ou pour garder les enfants, faire le chauffeur, le porteur». «J’ai besoin d’une remorque. Lahmaaaqe (folie)».

«On a décidé d’un budget, elle l’a doublé. Wallah, on repart demain.» 

Les femmes rétorquent: «on profite de soldes pour habiller toute la famille. On fait des économies». Lors des vacances, les femmes ont le temps de faire les courses. Elles joignent l’utile à l’agréable. Mais, attention aux excès! Les vacances permettent de se retrouver entre époux et épouse, recharger ses batteries épuisées par le stress, pour affronter une nouvelle année avec sérénité. Le shopping exagéré créer des tensions et un autre stress. 

De rares couples font du shopping un moment agréable. Mais pas toujours. Anouar: «Je l’accompagne parce que si je lui dis que je n’aime pas sa nouvelle tenue, elle se vexe». Ce qui n’est pas du goût de son épouse: «il critique même mes pantoufles. Il m’accompagne pour contrôler. Il m’asphyxie!»

Lina: «aucune attention de sa part. Il ne remarque même pas ma nouvelle tenue. J’aimerais qu’il m’accompagne».

Comme quoi…

En général, les femmes préfèrent faire leur shoping sans les hommes: «Il ngoure (râle) sans cesse, s’énerve et me stress», dit Wafa. Mais d’autres râlent quand le mari se débine: «elle veut que je l’accompagne, mais je m’ennuie. Ça se termine toujours par des disputes car je deviens agressif».

Le shopping, une promenade pour les dames. Un anti-stress, rêver d’un luxe inaccessible. Touria: «quand j’ai le cafard, je fais une folie dans un magasin. C’est ma thérapie».

Le shopping, un loisir gratuit. Les familles nombreuses déambulent dans les centres commerciaux à l’affût d’animations en tout genre. Elles n’achètent que des friandises ou des glaces aux enfants. Dans les villes chaudes, ces lieux sont fréquentés aussi parce qu’ils sont climatisés.

Le Covid a fortement influencé notre mode de consommation: les ventes en ligne explosent, mais ne détrônent pas le shopping. Il permet aussi à la majorité des femmes qui ne fréquentent pas les cafés de se retrouver hors du foyer.

Les hommes sont injustes! Touria: «ils veulent des épouses coquettes. Il se rincent l’œil en admirant des femmes élégantes. Comment être coquette sans shopping?»

Réponse d’un homme: «les femmes s’habillent pour les autres. A la maison, elles sont comme des épouvantails!». Enfin pas toutes les femmes a khouya!

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 22/07/2022 à 11h02