Papa et maman sont épuisés et aspirent à chwiya darraha (repos). Ne plus sursauter le matin au son du réveil et massacrer ses nerfs en hurlant: «lève-toi, on est en retaaard», s’affoler, stresser...
Mais il y a un autre stress: les enfants s’ennuient. Comment les occuper autrement que par les écrans?
Très peu de choix! Près de 40% de la population a moins de 25 ans et a besoin de loisirs sains. Les parcs pour enfants et jeunes sont rares et les prix des jeux trop élevés.
Les activités sportives privées sont inaccessibles à la majorité des familles. Les structures de l’Etat? A chercher à la loupe, même dans les grandes villes.
Pas de centres de loisirs communautaires dans les quartiers, pas de maisons de jeunesse dignes de ce nom, de rares bibliothèques. Des terrains de proximité (football, basquet et volley) dans des quartiers, mais trop chers: 30 à 50 DH par heure et par personne.
Les piscines municipales, à prix symboliques, sont pratiquement inexistantes même dans les villes où le mercure dépasse les 40°C. Les piscines privées? Plus de 400 DH par jour, par personne: relax, parasol et repas puisqu’il est interdit de ramener de sa nourriture.
Les habitants des villes côtières sont chanceux mais une journée de plage coûte cher: transport, repas, boisson, parasol… Une grande partie de la population est privée de loisirs.
Les enfants traînent dans la rue et les jeunes deviennent haïtites fi rasse addarbe (occupants des coins de rue). Ceux qui en ont les moyens passent leurs journées collés aux écrans chez eux, dans les cafés ou dans les cybercafés où l’heure de connexion coute entre 3 et 5 DH.
Les colonies de vacances sont rares et de qualité douteuse, sauf si les parents travaillent dans des ministères ou de grandes entreprises privées qui disposent de ces structures. Les colonies de vacances à l’étranger? Faut pas rêver!
Parfois, les parents envoient leurs enfants chez leurs grands-parents, dans la même ville ou ailleurs. Mais une fois grands, les enfants refusent à moins que ce soit à la plage.
Le rêve de toutes les familles? Voyager pour briser la routine.
Si notre pays, par sa diversité géographique et ses deux océans, offre des opportunités de tourisme exceptionnelles, les familles rêvent de découvrir d’autres contrées. L’Espagne reste l’idéal. Mais le cauchemar des visas est un obstacle. La traversée du détroit de Gibraltar est bien moins coûteuse que des billets d’avion. A partir d’un certain budget, le séjour peut revenir moins cher qu’au Maroc quand on compare le prix des hôtels et de la restauration. En plus, les familles y font du shopping à des prix intéressants. Mais nous parlons ici d’une petite minorité.
Quant aux moins nantis, pour voyager au Maroc il faut un véhicule car si la famille est nombreuse, le déplacement par train ou par car est coûteux.
Aucune réduction! Ensuite, il faut payer l’hôtel, dont les prix sont trop élevés. Les 4 et 5 étoiles ne sont pas adaptés au budget des Marocains. Les 2 et 3 étoiles ne sont pas toujours dignes de confiance. Un couple et deux adolescents, en hôtel 4 étoiles, deux chambres, doit débourser plus de 15 000 DH la semaine, sans compter les repas.
Les vacances, c’est aussi l’occasion pour des familles des villes touristiques de se faire un peu d’argent en louant leurs maisons aux touristes nationaux.
Souvent, deux ou trois familles s’associent pour louer une maison. Mais les mamans triment: ménage, cuisine, lessive à la farraka (planche)…
De nombreuses familles passent leurs vacances chez des proches, surtout des villes côtières. Des vacances à moindres frais, mais un cauchemar pour la maîtresse de maison.
De nombreux adolescents et jeunes hommes profitent des vacances car leur famille leur en donne la liberté, contrairement aux filles qui restent frustrées.
Ils campent en bandes près de la mer ou en pleine nature.
Les campings se développent, s’équipent et offrent aux jeunes et aux familles ayant peu de moyens des vacances dans des sites magnifiques près des plages ou dans les reliefs connus par leur fraîcheur, tels ceux du nord ou du Moyen Atlas.
Les plages sont très prisées. Mais il faut déplorer la faiblesse en équipements et en surveillance. Les toilettes, les douches et les poubelles y sont rares. En fin de journée, les familles abandonnent les ordures: bouteilles en plastique, canettes, épluchures de melon et pastèque… Un paysage de désolation qui pourrait être évité s’il y avait une surveillance rigoureuse pour éduquer cette population.
Quant au tiers de la population qui habite en milieu rural, il est rarement concerné par elconji. Les familles ne peuvent se soustraire longtemps aux travaux quotidiens et à l’entretien des animaux. La seule attraction est le moussem (mouggar en amazigh), fêtes régionales annuelles qui allient des activités religieuses autour du mausolée d’un saint et des activités festives et commerciales. Les familles se regroupent après une dure année de labeur.
Les ruraux se rendent chez des proches en ville. Mais tout dépend de lahssade (moisson), saife (l’été, désigne une année agricole faste). Cette année, les pauvres ruraux massayfouche, à cause de la sécheresse. Donc pas de vacances.
Citadins et ruraux sont pénalisés par l’augmentation du prix du carburant et de ses retombées sur l’ensemble de l’économie.
Enfin, une petite pensée pour celles et ceux pour lesquels les vacances riment avec besogne: ils travaillent en tant que saisonniers pour nourrir leur famille.
Beaucoup d’enfants, d’adolescents et de jeunes travaillent pour aider leur famille, avoir un peu d’argent de poche et payer les frais et les fournitures scolaires.
Attamanna lakoume counji moumtaaaze (bonnes vacances).