Face à la pandémie, vous appartenez à quelle typologie?

Famille Naamane

ChroniqueLa pandémie révèle nos rapports aux risques, qui peuvent être regroupés en plusieurs typologies. Voici ceux que j’ai relevés.

Le 11/09/2020 à 15h30

Selon nos attitudes, nous pouvons appartenir à un ou plusieurs types, que voici, d'après mes observations. 

• Le paranoïaque mwaswasse: le virus a été créé par la Chine, l’Amérique, l’Occident, les 10 plus grosses fortunes du monde… Plusieurs raisons sont invoquées: plausibles, fantaisistes, hilarantes, invraisemblables. La meilleure? «C’est pour t’injecter un vaccin dans lequel il y a une puce pour te contrôler.» Moi je veux bien être contrôlée, mais je représente quoi face à près de 8 milliard d’individus sur terre? Ses arguments sont dans son smartphone: des vidéos de grands pseudo-spécialistes universels. Tu refuses la thèse du complot? A force de l’écouter, tu commences à douter de tes convictions. Tu as des hallucinations, tu as peur, tu regardes autour de toi s’il n’y a pas un drone envoyé par des extra-terrestres pour t’épier. Evite-le tant que tu as encore ta capacité de discernement!

• Le macabre, tayre al moute: il est obsédé par les informations. Il attend avec impatience 18 heures pour mémoriser le nombre de nouveaux cas infectés. Il t’attrape et te débite l’historique statistique de la pandémie, par région. Il fait des pronostics très sérieux: tu vas voir, wallah le nombre de cas va se multiplier par 100 dans 3 jours. Tu essayes de changer de sujet, il te raconte, avec des détails poignants, le récit de son voisin agonisant, son collègue qui a perdu sa mère et son père. Ce type, tu le vois arriver, tu prépares un grand paquet de kleenex, indispensable, car quelle que soit la maîtrise de tes émotions, il te fera sangloter. A éviter!

• Le colérique maj3oure: il se bat contre la réalité. Il en veut à la terre entière, se défoule sur les autres, maltraite sa famille, ses collègues, se replie sur lui-même, se refuse toute source de plaisir. Il a supprimé de son cerveau l’application «sourire» et «mots aimables». Le genre de personne qui te donne toujours l’impression que tu es coupable de quelque chose. Il te colle sa colère, t’agresse et écrase ton moral. A éviter!

• Docteur lafhamate: il a des explications à tout. Les plus grands scientifiques et épidémiologistes ne valent rien. Ses diplômes? Les ragots, Internet, vidéos, audios, fake news… Imbu de sa personne, il ne remet rien en question. Il détient LA vérité. Tu essayes de dialoguer avec lui? Non! Tu perds ton temps et tu t’abrutis. A éviter!

• Le pessimiste matcha’ême: la vie est un tunnel noir sans issue. On est fichu. Jamais l’humanité ne sortira de cette catastrophe. Tout son langage est déprimant: enfer, catastrophe, malédiction, karita, moussiba. La vie n’en vaut plus la peine. Ce sont les signes de la fin du monde. A éviter!

• Le politico-3ayake: c’est la faute du gouvernement, des parlementaires, des gouverneurs, des caïds, des policiers… C’est une stratégie pour installer une dictature redoutable basée sur la frayeur. Mais lui, il est 3ayake. La mosquée où l’Etat a fait ses études, c’est lui qui l’a construite. L’Etat a beau communiquer les moyens de préventions, il n’est pas concerné. Tout est une mascarade. Si toi tu ne sais pas pourquoi, lui, il le sait: «hay hay! Laisse-moi sakète (silencieux) 3afake (stp)!». A éviter!

• Le fataliste hamède Allah, mais à sa manière: c’est la volonté de Dieu, une punition, une épreuve pour évaluer notre foi. Il refuse de se protéger et de protéger les siens. C’est haram. Un fatalisme déjà vu chez des oulémas des siècles passés. Ibn Agiba, grand mystique marocain du XVIIIe siècle, a lutté contre la protection contre la peste, considérée comme un affront à Dieu. Il a perdu toute sa famille par la peste et il en est décédé. A éviter!

• L’indifférent mamsawwakche et mfar3ane: il est dans le déni total, vit sur une autre planète et s’amuse à défier le virus. Il continue à vivre normalement. Le virus? Wili, ne me dis pas que tu y crois toi aussi. Je te croyais plus sensé! Le masque? C’est pour faire tourner l’usine du ministre X. Regarde-moi, ni masque ni distanciation et khouke se porte comme un taureau. Il n’y a que azzalte (la pauvreté) qui tue. C’est un suicidaire inconscient, un sac à virus. A éviter!

• Le peureux khaouafe-makhlou3e: il est maniaque, voit le virus partout, ne se regarde plus dans le miroir de peur de se contaminer lui-même. Il passe sa journée à s’enduire le corps de désinfectants. Ne l’évite pas, car lui-même quand il te voit, il baisse la tête et fonce vers le chemin opposé au tien.

Mais finalement, moi, quelle est ma typologie? Je pense que chacun de nous a fait partie de certains de ces différents types, à un moment ou un autre. Certains y sont restés, d’autres s’en sont dégagés. Mais pour constituer quel autre type, me diriez-vous? C’est là toute la question!

En ces temps où la pulvérisation de produits désinfectants est présente partout, je tendrais vers un type que je nommerai: pulvérisateur de joie, bachchar el khir matfa’êle.

La pandémie est là, qu’on le veuille ou non. Certes, nous subissons ses effets à des degrés très différents. Les plus dramatiques sont la perte d’êtres chers et la baisse drastique ou la disparition des revenus des ménages. Mais nous pouvons essayer, au moins essayer, de conserver un peu notre santé morale et celle des autres en évitant de parler toute la journée de pandémie, en continuant à nous offrir des plaisirs simples qui égayent notre vie. En essayant d’être des pulvérisateurs de joie et d’optimisme. Alors, essayons, juste essayons, de savourer le moment présent… En espérant que… Faraje Allah karibe in chaa Allah!

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 11/09/2020 à 15h30