Au-delà du football, la CAN face à l’exigence du branding de l’État-organisateur

Les aéroports sont décorés en espaces de célébration du football africain.

Au-delà du cadre sportif, pour les observateurs africains, journalistes et acteurs du sport venus couvrir la compétition, la CAN s’impose comme un test immédiat de crédibilité pour le Mondial 2030, où l’image de l’État-organisateur se construit ou se fragilise dès les premiers jours.

Le 22/12/2025 à 13h23

Foulant le sol marocain, ce mardi soir, un journaliste sénégalais, arrivé au Maroc en amont du tournoi pour suivre la préparation logistique déclare: «On sent clairement que cette CAN ne se joue pas uniquement sur la pelouse. Elle se joue dans les aéroports, dans les hôtels, dans les transports, dans la relation avec les supporters et les médias». Enchanté par l’accueil à l’aéroport et la nouvelle configuration des artères de la ville, le journaliste, habitué à visiter le Royaume, soutient que «le Maroc est attendu sur un autre registre: celui de la rigueur et de la fiabilité. C’est un pays qui a déjà accueilli de grands événements, donc l’exigence est naturellement plus élevée.»

La configuration retenue, avec des matchs répartis entre Rabat, Casablanca, Tanger, Marrakech, Agadir et Fès, est perçue comme une vitrine territoriale ambitieuse. Mais elle impose une coordination fine et immédiate. «Six villes, neuf stades, c’est un choix audacieux. Cela donne une image de puissance organisationnelle, à condition que la mobilité inter-villes fonctionne parfaitement», souligne un consultant sportif accrédité auprès de la CAF et présent à Casablanca avant de rallier Rabat. «À ce niveau de visibilité, le moindre dysfonctionnement devient un message, même s’il n’est pas formulé comme tel.»

Cette visibilité est d’autant plus forte que la CAN 2025 bénéficie d’une couverture médiatique inédite. La Confédération africaine de football a conclu vingt accords de droits médias couvrant plus de trente territoires européens, plaçant la compétition sous observation permanente. Pour une journaliste ghanéenne installée à Rabat depuis plusieurs jours, «le Maroc n’est pas seulement jugé par rapport à l’Afrique, mais par rapport à des standards internationaux. La comparaison est implicite avec les Coupes du monde ou les grands tournois européens. Cela change complètement le regard.»

Sur le terrain, les premiers signaux sont scrutés avec attention. Accréditations, accès aux stades, signalétique, dispositifs de sécurité et qualité de l’accueil constituent autant d’indicateurs de performance étatique. «Ce que nous évaluons, ce n’est pas la communication officielle, mais la réalité vécue par les équipes et les supporters», confie un reporter sénégalais déjà présent à Tanger. «Une CAN bien organisée se ressent très vite. À l’inverse, les failles apparaissent dès les premières heures, et actuellement on peut dire que le Maroc a compris cet enjeu».

Le calendrier renforce cette pression, d’où celle de certains clubs européens qui rechignent à libérer les joueurs à temps pour les besoins des préparations des équipes nationales.

Organisée en pleine période des fêtes de fin d’année, la CAN se déroule dans un contexte de forte affluence touristique. C’est à la fois une opportunité économique et un stress-test pour les services publics. La gestion des prix hôteliers, la disponibilité des transports et la fluidité des flux seront déterminantes pour le récit international.

Ce récit, justement, se construit en temps réel. «La CAN est devenue un exercice de branding d’État à ciel ouvert», estime le journaliste sénégalais. «Si tout se passe bien, le message sera clair: le Maroc est un hub africain moderne, capable d’organiser sous pression. Mais cette compétition ne pardonne pas l’amateurisme. Une seule erreur peut effacer des mois de préparation

La question de la sécurité et de la santé figure également au cœur des attentes. Gestion des files d’attente, plans d’urgence, présence médicale et clarté des procédures sont observées comme des marqueurs de gouvernance par la CAF, mais aussi d’autres observateurs. «Dans les grands tournois, la sécurité ne doit jamais se voir, mais toujours se sentir. C’est là que se joue la confiance du public.»

Le sentiment dominant parmi les observateurs africains est celui d’une CAN charnière. «Le Maroc a beaucoup à gagner, mais aussi beaucoup à perdre», résume le journaliste. «Une CAN réussie laissera un héritage durable, en termes d’image, de compétences et d’attractivité. Une CAN mal maîtrisée laissera surtout des traces dans la mémoire collective.»

Au-delà du football, la CAN 2025 engage, dès son ouverture, le branding de l’État-organisateur dans ce qu’il a de plus concret, sa capacité à délivrer, sans fausse note, un événement continental sous le regard du monde.

Par Mouhamet Ndiongue
Le 22/12/2025 à 13h23