Vu, lu, entendu à Rabat.
1- La scène se passe dans un grand hôtel de Rabat. Cinq étoiles brillent sur le fronton face au Bouregreg.
Je viens chercher un couple d’amis pour aller dîner. Je trouve l’épouse assise sur une banquette dans le hall, sa valise à côté. Je suis étonné. Elle m’apprend que son mari, installé à l’hôtel la veille, est allé faire une course et elle l’attend parce que la réception a refusé de lui donner la clé de la chambre tant qu’elle ne montre pas son acte de mariage.
La dame a plus de cinquante ans. Elle a beau leur expliquer qu’elle ne se promène pas avec ce document dans son sac, d’autant plus que le mariage date d’une trentaine d’années.
Arrive le mari. Il proteste, fait scandale. Rien à faire. Il exhibe sa carte nationale qui porte la même adresse que celle de son épouse. Appel au directeur de l’hôtel qui se montre plus souple et leur dit: «Ce n’est pas nous qui exigeons ce document, mais la police!». La honte.
2- Une foule immense fait la queue à l’intérieur du SIEL, le Salon du livre qui se tient à Rabat. Je me réjouis de voir tant de jeunes Marocaines et Marocains faire la queue pour assister à une conférence ou pour faire signer leur livre.
Non, cette foule est venue voir l’écrivain saoudien Osamah Almuslim (probablement un pseudo) qui a un succès phénoménal avec un roman sur les jnouns et quelques fantaisies. Et ce succès est partout où il se produit dans le monde arabe.
C’est un phénomène qui en dit long sur l’époque.
Les charlatans l’emportent de loin sur les bons poètes et écrivains. Je n’ai pas eu le livre entre les mains, mais j’ai lu des articles sur la star d’une vision parallèle du monde et de la logique.
Il paraîtrait que ce serait grâce à une communication parfaite à travers les réseaux sociaux qu’il a fait sa publicité et qu’il a ainsi attiré des milliers de jeunes.
Qu’importe ce qu’il raconte. Mais on m’a dit qu’il mélange la religion et l’anticipation. Il doit avoir un talent spécial pour vendre du vent, des jnouns bleus et des vipères de la même couleur. Et les jeunes marchent.
Pour une fois, je ne suis pas d’accord avec mon ami Karim Boukhari. Ce type est dangereux. Aujourd’hui, il attire les foules par la fantaisie, demain il passera à la vitesse supérieure du complotisme et de la démagogie politique qui empêchent la pensée et la critique.
3- J’ai lu ça dans un journal: «Le Maroc commémore la Journée mondiale de la circulation routière». Le Maroc, comme d’autres pays du monde, commémore la Journée internationale de la circulation, qui tombe chaque année le 4 mai. Cette occasion vient souligner la gravité des accidents de la route, qui provoquent chaque année des milliers de morts, sans parler de leur coût économique et social élevé. Selon l’Organisation mondiale de la santé, les accidents de la route constituent une «épidémie» qui menace la santé publique dans le monde, car ils sont considérés comme l’une des principales causes de décès et de blessures graves. Plus de 3.500 personnes sont tuées chaque année au Maroc, soit l’équivalent de 10 décès par jour, soit environ 19 décès pour 100.000 habitants. Les décès résultants d’accidents de la route varient selon le type d’usagers de la route au Maroc, les conducteurs de véhicules à quatre roues représentant 31,2% de tous les décès enregistrés. Tandis que les motards à deux ou trois roues et leurs accompagnateurs constituent 28,7%. Les piétons représentent 26,3% des victimes d’accidents de la route au Maroc, tandis que les propriétaires de vélos représentent 5,9%. Les autres catégories d’usagers de la route représentent 7,9%.
Commentaire: nous avons à peu près le même chiffre de victimes de la route qu’un pays comme la France qui compte le double de la population marocaine.
En 1971, la France battait le record du nombre des morts sur les routes avec 13.000 victimes chaque année. Plusieurs gouvernements décidèrent de faire la guerre à ces crimes. Cinquante ans plus tard, le nombre est réduit à 3.000 morts par an. Ils ont fait ce qu’il fallait. Répression, contrôles tous azimuts, amélioration des routes, lutte contre l’alcoolisme au volant, etc.
Chez nous, je suis scandalisé quand je vois des jeunes et moins jeunes conduire des motos sans porter de casque. Le pire, c’est quand la moto transporte toute la famille et personne n’est protégé.
Il y avait une publicité incitative pour porter le casque: une pastèque fracassée par terre et du sang qui coule. Cette pub a disparu, car elle n’a eu aucun effet. Il serait simple de commencer par imposer le port du casque, sinon, confiscation de la moto.
Il serait aussi urgent de procéder à des alcotests à l’entrée des autoroutes. Certes, le Maroc est un pays musulman où l’on consomme une quantité d’alcool incroyable. Hypocrisie quand tu nous tiens!
4- À Rabat, j’ai vu peu de mendiants par rapport à Tanger ou Casablanca.
Il serait urgent d’interdire l’exhibition de bébés pour mendier. Parfois, ce sont des enfants de quelques mois, exposés à la pollution des tuyaux d’échappement et qui respirent un air dangereux. La chasse à cette pratique devrait être radicale et les bébés devraient être accueillis dans des centres pour «enfants abandonnés ou maltraités».
Je sais qu’il y a une organisation qui fait de la mendicité un métier. La police le sait. Il est urgent d’arrêter ce malheur ambulant. La honte et la pitié.
5- Enfin, une note positive: j’ai été impressionné par la propreté de Rabat, en tout cas dans les beaux quartiers. Trottoirs impeccables, déchets ramassés, gazon soigné, etc.
Il paraîtrait que la ville est mieux gérée par rapport à d’autres grandes villes. Normal. C’est la capitale. C’est la résidence des ambassades et des ministères. C’est une vitrine du pays. Autant qu’elle soit propre et avenante.
J’ai vu la nouvelle tour entre Rabat et Salé. Belle architecture. Ça rappelle un peu Dubaï. Pourquoi avoir misé sur la hauteur? Pour être proche du ciel et de ses mystères. Je préfère la simplicité des maisons basses qui sont ancrées dans la terre sans aucune prétention. J’ai vu aussi le nouveau théâtre. Une superbe sculpture, une des dernières œuvres de l’architecte Zaha Hadid, née en Irak et morte à 66 ans à Miami. Elle avait reçu le Prix Pritzker en 2004.
La folie des grandeurs et l’audace! Pourquoi pas?