Vidéo. Dans la peau des travailleuses domestiques étrangères au Maroc

adil gadrouz

Des milliers de travailleuses domestiques étrangères souffrent dans l'ombre au Maroc. Philippines ou subsahariennes, elles travaillent comme femmes de ménage ou nounous pour des familles aisées, et certaines en voient de toutes les couleurs.

Le 12/02/2020 à 08h53

Ces femmes de l’ombre, souvent venues des Philippines, du Sénégal ou de la Côte d’Ivoire, ont choisi ce métier par nécessité. Succombant à de fausses promesses, formulées par des agences intermédiaires non agréées, les travailleuses s’attendent à une vie plus stable et plus paisible au Maroc.

Utilisées par les agences informelles, et, bien des fois, exploitées par les familles d’accueil, ces femmes, une fois arrivées au Maroc, voient leur passeport confisqué, pour être à la merci de certaines familles. "Ces agences informelles font de la traite humaine, voilà tout! Ils promettent à ces femmes un salaire égal ou supérieur à 400 euros (4000 DH), et une fois arrivées au Maroc, rien n’y est! Elles travaillent sans répit, sans congé et parfois sans salaires, ou avec la moitié du salaire versé à l’agence intermédiaire", explique Ali Lotfi, secrétaire général de l’ODT (Organisation démocratique du travail).

Si ces invisibles rendent la vie de famille plus simple dans de nombreux foyers, la précarité de leur travail reste peu prise en compte. À l’instar d'autres pays, recruter des travailleuses domestiques venues d’ailleurs devient un signe extérieur de richesse, voire de rivalité entre femmes aisées. Les subsahariennes et Philippines facilitent également l’apprentissage des langues française ou anglaise aux enfants, par leur pratique quotidienne. C’est une des raisons pour lesquelles elles sont de plus en plus préférées aux Marocaines, en sus de leur vulnérabilité, due à éloignement de leur pays, qui rend leur exploitation plus facile.

Pour mieux comprendre leur calvaire, voici les explications de Frank Iyonga, secrétaire général de l’Organisation démocratique des travailleurs immigrés au Maroc qui reçoit quotidiennement une dizaine de témoignages de femmes victimes d’abus dans des foyers marocains.

Suite aux abus subis dans le travail domestique, 40% des 3.000 Philippines du Maroc ont changé de domaine. Elles ont souvent préféré le travail d’esthéticienne, dans des centres de beauté réputés, et ne le regrettent pas.

La souffrance subie par les travailleurs domestiques au Maroc, n’est pas secrète. Étrangers ou Marocains, le sort est le même quand ils tombent aux mains de familles cruelles. Pour réduire cette exploitation et rendre plus vivable le travail dans les foyers, une nouvelle loi spécialement dédiée au travail domestique, est entré en vigueur le 2 octobre 2018. Contrat, déclaration auprès la CNSS, salaire minimum ou égal au SMIG, des conditions sine qua non au recrutement des travailleurs de maison. "L’application de cette loi reste difficile. Le ministère de travail doit prévoir une inspection minutieuse pour vulgariser et obliger à l’aboutissement de cette loi", souligne Ali Lotfi.

Il est utile de rappeler qu’en attendant l'application stricte, et il le faut, de la nouvelle loi, déclarer ses travailleurs domestiques auprès de la CNSS est, pour l’instant, une démarche volontaire de l’employeur. Mais plus pour longtemps, à partir du 3 juin 2020, ce sera obligatoire et indispensable.

Par Lamiae Belhaj Soulami
Le 12/02/2020 à 08h53