Tahar Ben Jelloun a adressé une lettre ouverte, via l’hebdomadaire français Le Point, à Matteo Salvini, vice-président du Conseil des ministres et ministre italien de l’Intérieur, par ailleurs connu par son populisme et sa haine des migrants qu’il veut renvoyer.
«Vous pensez que le peuple est avec vous. Vous n'avez pas tout à fait tort. J'ai appris que 72% des gens interrogés approuvent vos méthodes. Le plus étrange est que 42% parmi eux viendraient de la gauche. Il vous arrive de vouloir renouer avec les méthodes fascistes consistant à ficher certaines personnes tout en fermant à double tour les frontières d'un pays merveilleux qui a connu jadis les affres de l'émigration, du racisme et de l'exclusion», souligne l’écrivain.
En rappelant la beauté de l’Italie et sa grande culture, il regrette qu’un voile hideux vienne assombrir son ciel. «Vous avez abrogé les lois interdisant l'éloge du fascisme et l'incitation à la haine raciale. Vos ennemis, vous allez les chercher dans la détresse et le désespoir. Ceux qui émigrent ou cherchent à se réfugier parce qu'ils risquent de perdre leur vie dans leur pays en guerre, ne vous veulent pas de mal. Ils viennent parce que le monde a généralisé les inégalités, la pauvreté, ce qu'on appelait autrefois l'exploitation de l'homme par l'homme», ajoute Ben Jelloun à l’adresse de l’homme d’Etat qui s’abreuve des idéaux de Mussolini.
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L’écrivain donne aussi une leçon d’histoire en rappelant qu’à une période donnée, des familles entières quittaient le Sud de l'Italie pour aller chercher du travail en France et qu'ils étaient si mal reçus et furent même victimes de massacres.
En face, il y a ces propos de Matteo Salvini rapportés par l'agence Ansa et qui indignent toute personne éprise des principes d’équité et des droits humains: «Le nettoyage de masse est nécessaire en Italie aussi, rue par rue, quartier par quartier, place par place et avec la manière forte si besoin car des morceaux entiers de ville, des morceaux entiers de l'Italie sont hors de contrôle». N’es-ce pas là l’emblème de la décadence d’une nouvelle élite européenne qui voit en l’étranger la cause de tous les heurts et malheurs?
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«Ce qu'on vous reproche, M. Salvini, c'est d'afficher une incitation à la haine, une banalisation de la discrimination, une attitude sans humanité face à un problème douloureux. La question des migrants vous aide à n'avoir plus aucun complexe face au racisme le plus insidieux et aussi le plus violent. À la limite, la question migratoire vous rend service. Sans les migrants et leurs drames, vous ne seriez peut-être pas aujourd'hui au poste où vous êtes. Vous devriez leur dire "Merci"», conclut Taher Ben Jelloun.