L’intelligence artificielle (IA) et le rapport à la démocratie suscitent des émulations permanentes dans le monde politique. Qu’en est-il de son évaluation scientifique? La notion de «artificialisation de l’humain», largement débattue lors d’une séance de vulgarisation à l’UM6P de Benguérir à l’occasion de la Semaine de la science tenue du 30 mai au 5 juin, démontre à quel point il est difficile de dépasser les clivages constants entre progressistes ouverts aux changements technologiques et conservateurs qui ne veulent pas en entendre parler.
Bien que la problématique soit purement scientifique, l’ensemble des réflexions menées autour de l’IA et le transhumanisme interroge en filigrane sur la quête constante d’une immortalité individuelle, et porte le débat sur le champ de la philosophie. Sur la forme, la présence de spécialistes de tous bords a témoigné du niveau de complexité du sujet. «Le Maroc fait preuve d’un degré d’ouverture par rapport aux institutions publiques françaises qui considèrent ce sujet comme tabou», s'est félicité Marc Roux, président de l'Association française transhumaniste.
Ce qui, au départ s’est avéré être une discussion posée s’est rapidement développé en un débat houleux sur les grandes transformations scientifiques. Car, le constat est tout sauf unanime. L’IA est certes généralement perçue comme une opportunité par la communauté scientifique, mais aussi comme une épée de Damoclès qui plane au-dessus de la démocratie. «La découverte de gènes qui permettent d'accélérer ou de décélérer le processus de vieillissement est une découverte parmi d’autres qui prouve qu’on est sur la voie de l’immortalité», a lâché José Cordeiro, ingénieur, membre fondateur de la singularity university.
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Est alors survenu le propos de trop: «Je crois que nous allons tous dans cette salle y assister et cela finira pour arriver dans les deux décennies à venir», a ainsi poursuivi José Cordeiro. La réponse de l’écrivain et économiste Jacques Attali ne s’est pas fait attendre. Brutale, mais argumentée et convaincante. «Dire qu’on va devenir immortel dans 20 ans relève de l’escroquerie intellectuelle. Le transhumanisme est une secte. C’est une erreur de vouloir apporter des réponses individuelles à des problèmes collectifs. Notre responsabilité est d’abord à l’égard des générations futures», a rétorqué l’écrivain et économiste Jacques Attali.
Mais au-delà des clivages entre adeptes et récalcitrants, l’intelligence artificielle (IA) constitue un grand espoir pour améliorer la prestation des soins et la médecine dans le monde entier, mais à condition de placer l’éthique et les droits humains au cœur de sa conception. «Le libre arbitre doit continuer à exister en dépit du progrès technique», a martelé Amal El Fallah Seghrouchni, directrice du Centre international d'intelligence artificielle du Maroc.