Spoliation des biens communaux: le ministère de l’Intérieur déclenche une vaste enquête

Siège de l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie.

L’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie, à Rabat.

Revue de presseUn réseau de spoliation immobilière, impliquant de puissants promoteurs et certains élus locaux, a été mis au jour dans plusieurs grandes villes du Royaume. Face à ce phénomène aux ramifications inquiétantes, le ministère de l’Intérieur a lancé une opération d’assainissement inédite pour protéger le patrimoine communal et renforcer la transparence dans sa gestion. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Al Akhbar.

Le 17/08/2025 à 18h26

L’alerte est désormais officielle. Des rapports confidentiels, transmis récemment au ministère de l’Intérieur, font état de l’existence d’un réseau organisé spécialisé dans l’appropriation illégale de biens fonciers appartenant aux communes urbaines.

Le quotidien Al Akhbar, qui révèle l’affaire dans son édition de de lundi 18 août, indique que ces manœuvres se sont déroulées avec la complicité de certains présidents de conseils communaux et élus locaux, permettant à des promoteurs immobiliers influents de mettre la main sur des terrains collectifs dont la valeur se chiffre en milliards de dirhams.

Ce dossier, qui s’apparente à un véritable scandale foncier, met en cause non seulement des acteurs privés, mais aussi des responsables publics censés protéger ces biens. Face à la gravité de la situation, Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur, a ordonné l’ouverture d’enquêtes approfondies.

Toute personne soupçonnée de complicité ou d’abus de pouvoir sera convoquée, et les dossiers présentant un caractère criminel seront transférés à la justice. Pour contrer cette spirale, la Direction générale des collectivités territoriales (DGCT) a lancé une opération de grande envergure visant à recenser, régulariser et protéger le patrimoine foncier communal dans toutes les grandes villes, dont Rabat, Casablanca, Marrakech, Fès, Tanger, Salé, Kénitra, Témara ou encore Benslimane.

Cette opération repose sur deux chantiers essentiels: la régularisation foncière, qui consiste à inscrire les biens non encore titrés au registre foncier et à actualiser progressivement les titres existants, et la digitalisation du suivi, grâce à un système d’information géographique baptisé «Atlas cartographique», développé en partenariat avec l’Agence nationale de la conservation foncière.

Cet outil recense l’ensemble des biens, en indiquant leur superficie, leurs titres et leurs affectations, afin de garantir une traçabilité et une surveillance en temps réel, a libellé Al Akhbar. Dans le même temps, la DGCT a commencé à rejeter plusieurs délibérations communales suspectes relatives à la cession ou à la location de biens communaux.

Ces décisions, jugées opaques et entachées d’irrégularités, auraient pu ouvrir la voie à des détournements au profit de groupes influents, ajoute le quotidien.

Cette vigilance illustre la volonté du ministère de rompre avec des pratiques anciennes où le patrimoine collectif servait trop souvent de monnaie d’échange politique ou économique.

L’action entreprise s’appuie également sur le nouveau cadre légal relatif aux biens communaux, adopté en début de mandature. Ce texte impose désormais la concurrence comme règle générale pour toute cession ou location, encadre strictement les occupations temporaires du domaine public et fixe des procédures simplifiées de régularisation foncière.

Les conseils communaux sont désormais tenus de fixer les prix de départ des enchères publiques, de mettre régulièrement à jour les registres de patrimoine et de rendre transparentes les modalités d’exploitation du domaine public, qu’il s’agisse de parkings, de marchés ou d’occupations temporaires.

La législation prévoit en outre des garanties pour les investisseurs, notamment en cas de retrait de concessions pour cause d’utilité publique, avec l’obligation de justifier la décision et d’indemniser les parties lésées, écrit-on encore.

Au-delà de la lutte contre la corruption et les détournements, l’ambition affichée par le ministère de l’Intérieur est de mobiliser le patrimoine communal comme levier de développement territorial.

Le bien communal devrait ainsi cesser d’être une rente, au bénéfice de quelques-uns, pour devenir “un outil stratégique au service de la collectivité”, selon le quotidien.

Dans un contexte de forte urbanisation et de croissance démographique, ces terrains sont un capital essentiel pour développer des infrastructures publiques, des zones d’activités économiques et des équipements sociaux. Leur dilapidation est donc un frein majeur aux politiques locales de développement.

Par La Rédaction
Le 17/08/2025 à 18h26