Serons-nous un jour le pays le plus heureux du monde?

La Finlande! La Finlande, où il fait un froid de gueux… La Finlande, où pullulent autour des lacs des milliards de moustiques, qui ont dévoré vivant plus d’un pèlerin… La Finlande, qui consomme par tête de pipe plus d’alcool que la Pologne– c’est dire… La Finlande dont le plat national, le kesäkeitto, est une sorte de soupe au lait dans laquelle on jette tous les légumes qu’on trouve dans son frigo: pommes de terre, oignons, carottes, épinards, parfois un mégot de cigarette… La Finlande, où il fait nuit six mois par an… La Finlande qui a une frontière de 1340 kilomètres avec l’ours russe, qui pourrait la déchiqueter en cas de guerre entre Moscou et l’Otan– une guerre qui a déjà commencé, d’ailleurs…

La Finlande!

Et c’est ce pays qui est classé pour la 6e fois consécutive pays le plus heureux du monde selon le World Happiness Report publié avant-hier!

On croit rêver. Pourquoi pas nous, avec notre climat agréable, avec nos moustiques végétariens qui n’embêtent personne, avec notre bière halal, avec notre gastronomie l’une des meilleures du monde, avec notre alternance paisible du jour et de la nuit?

Et nous n’avons pas de frontière avec la Russie, nous.

Quoique… Passons.

Mais la Finlande!

Tout s’éclaire quand on regarde les critères retenus par le World Happiness Report: santé, espérance de vie, revenu par tête (eh oui, si l’argent ne fait pas le bonheur, il y contribue…), solidarité sociale, absence de corruption, générosité, libertés individuelles.

Nous avons donc deux options: soit nous émigrons tous en Finlande– aïe, les moustiques…– soit nous prenons au sérieux les critères énoncés ci-dessus. Avez-vous remarqué qu’ils constituent un programme de gouvernement?

Je fonde sans tarder, dans ces colonnes, le Parti Marocain du Bonheur (PMB) avec les critères du World Happiness Report, auquel j’ajouterais la protection de l’environnement, le bien-être au travail et une justice rapide et impartiale. Qui veut adhérer au PMB?

Plus sérieusement, c’est un point de vue «holistique», comme on dit, qu’il faut adopter quand on veut gouverner un pays: il ne faut pas se concentrer sur quelques secteurs, mais avoir une vue d’ensemble avec comme objectif le plus de bonheur pour le plus grand nombre de citoyens– les lecteurs avisés reconnaîtront dans cette définition les thèses de Bentham et Pareto.

PS 1: Quatre conférences internationales se sont tenues sur la notion de Bonheur National, au Bhoutan en 2004, au Canada en 2005, en Thaïlande en 2007 et de nouveau au Bhoutan en 2008. Pourquoi ne pas tenir la prochaine dans notre beau pays, à Essaouira par exemple? Rien que de se promener sur les remparts et de se régaler de poissons grillés sur le port, les délégués seront heureux.

PS 2: Quel est le pays le plus malheureux du monde, selon le World Happiness Report? L’Afghanistan, 137e et dernier. Méditons ce qui nous arriverait si nos propres talibans menaient un jour la danse…