Santé: les pharmaciens autorisés à réaliser des tests de diagnostic rapide

Un dispositif de test de diagnostic rapide du virus de la Covid-19

Un arrêté du ministère de la Santé autorise les pharmaciens à réaliser en officine cinq tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) qui étaient jusque-là pratiqués dans les laboratoires sur prescription médicale. Deux pharmaciens, interrogés par Le360, décryptent les avantages de cette décision pour les patients.

Le 23/08/2024 à 14h11

Bonne nouvelle pour les pharmaciens marocains. Si, jusque-là, ils étaient autorisés à vendre des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), ils pourront désormais en réaliser cinq dans leurs officines et livrer les résultats aux patients. Il s’agit du test capillaire pour la glycémie, du test oropharyngé pour l’angine streptococcique de type A, du test oropharyngé pour la grippe, ainsi que des tests de grossesse et d’ovulation. Une autorisation qui émane d’un arrêté du ministère de la Santé et de la Protection sociale en date du 9 mai 2024, publié le 3 août dernier au Bulletin officiel.

Interrogé par Le360, Abderrahim Derraji, pharmacien et fondateur du site médicament.ma, s’en réjouit. «La publication de l’arrêté 1236-24, longtemps attendue par les pharmaciens, met fin à une période de marginalisation de leur rôle et annonce une nouvelle ère où les lois évolueront pour leur permettre d’assumer de nouvelles missions visant à améliorer la prise en charge des patients», affirme-t-il.

Pour Saad Fouad, vice-président de la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc, également contacté par nos soins, «c’est une très bonne nouvelle», puisque cet arrêté «valorise le travail des pharmaciens, leur permettra d’élargir leurs missions et de réaliser des TROD à l’instar de leurs homologues exerçant dans les pays développés». Et pour les patients, «cela permettra d’écourter les délais d’attente des résultats dans les hôpitaux et les cabinets médicaux».

Éviter les complications causées par certaines maladies

D’après Abderrahim Derraji, ces tests permettront de diagnostiquer rapidement certaines maladies pour éviter des complications aux patients. Il cite l’exemple de la bactérie Streptocoque A responsable de l’angine, une infection certes bénigne, mais qui pourrait déboucher sur un rhumatisme articulaire aigu, des problèmes cardiaques et l’insuffisance rénale, en cas d’absence ou de retard de diagnostic. Idem pour les diabétiques dont leur pathologie pourrait entraîner la cécité ou l’insuffisance rénale.

«La possibilité pour les pharmaciens de réaliser ces tests en officine permettra de déceler rapidement ces maladies et d’éviter ces complications aux patients. En France, un pharmacien obtient une rémunération s’il découvre un Streptocoque A après diagnostic et peut même prescrire un antibiotique pour un traitement d’urgence», soutient-il.

Outre le diagnostic précoce, ces tests contribueront aussi, selon Saad Fouad, à diminuer drastiquement l’usage abusif d’antibiotiques qu’il qualifie d’«antibiothérapie aveugle». «Il y avait un abus de consommation d’antibiotiques, même sur prescription médicale, parce que la majorité des médecins les prescrit sur la base de symptômes et non de tests», explique notre interlocuteur. Selon lui, la réalisation en officine de ces tests rapides, qui étaient jusque-là pratiqués dans les laboratoires sur prescription médicale, permettra également aux caisses de prévoyance sociale de réaliser des «économies énormes» sur les remboursements.

Utiliser des tests homologués par le ministère de la Santé

Toutefois, Abderrahim Derraji précise qu’un TROD n’est pas un acte de biologie médicale et ne remplace nullement un diagnostic réalisé au moyen d’un examen de biologie médicale. «Le résultat du test, rendu sous la responsabilité du pharmacien, doit être communiqué au patient, avec l’information que celui-ci devra être confirmé par un examen de biologie médicale si la situation l’exige», insiste-t-il. Le spécialiste invite d’ailleurs ses collègues à informer le patient sur la nature du test, ses limites et la nécessité éventuelle de confirmer le résultat par un examen de biologie médicale, et à tenir un registre pour tracer les résultats et faciliter le suivi des patients.

Selon lui, les pharmaciens devront disposer de protocoles rigoureux garantissant leur bonne exécution avant de commencer à réaliser ces tests, et bénéficier de formations spécifiques pour assurer la qualité des tests et la sécurité des patients. «Les officinaux devront utiliser exclusivement des tests homologués par le ministère de la Santé, et en cas de défaillance d’un test, il sera impératif de le notifier au Centre marocain de pharmacovigilance», recommande notre interlocuteur.

Le spécialiste invite aussi les organismes professionnels à accompagner les pharmaciens pour relever ce nouveau défi, en mettant en place des mécanismes pour évaluer l’impact de cette nouvelle mission sur la prise en charge des patients. Une évaluation qui, d’après lui, sera cruciale pour l’instauration d’autres missions. «Les instances professionnelles devront également participer à la mise en place d’un module de formation dédié aux TROD et œuvrer pour harmoniser les honoraires qui seront pratiqués par les pharmaciens», suggère-t-il.

Enfin, nos deux interlocuteurs souhaitent que le ministère de la Santé octroie d’autres autorisations similaires aux pharmaciens. «Nous aspirons à réaliser encore plus de tests rapides pour détecter d’autres pathologies comme le VIH ou en cas de pandémie comme celle de la Covid, pour apporter notre contribution positive dans le dépistage précoce de ces maladies», préconisent-ils.

Par Elimane Sembène
Le 23/08/2024 à 14h11