Les travailleuses marocaines dans les champs de fraises à Huelva, victimes de harcèlement sexuel, ne sont pas près de jeter l’éponge. Loin de là. Elles ont décidé de mener deux actions conjointes pour obtenir justice et surtout que leur affaire ne soit pas classée. Sur la voie judiciaire, elle sont restées fermes et insistent pour aller jusqu’au bout de ce que permet la législation de ce pays, à savoir le Tribunal supérieur de la justice qu’elle viennent de saisir. Sur le terrain, épaulée par des associations de protection des droits de l’Homme, elles envisagent de mener des actions de protestation pour faire entendre leur voix, haut et fort.
Les derniers développements de ce dossier, rapportés par le quotidien Assabah dans sa livraison du week-end des 21 et 22 septembre, ne semblent en rien entamer la détermination de ces femmes abusées. Dans les faits, un tribunal vient de rejeter le recours qu’elles ont engagé pour atteinte à leurs droits. Pourtant, les associations de la société civile font bien état de cas de «traite d’êtres humains», puisque des travailleuses marocaines ont été retenues contre leur gré, en 2018, par la société qui les emploie. Nombre d’entre elles ont été menacées de reconduite aux frontières si elles ne retiraient pas leur plainte.
Le rejet de leur demande ne les a pas dissuadées d’aller plus loin. C’est ainsi que le Tribunal supérieur de justice, la plus haute juridiction du pays, sera amené à statuer sur au moins 20 dossiers portant sur les conditions du travail des ouvrières dans les champs de fraises, souligne Assabah. Certains de ces dossiers avaient pourtant été classés par les tribunaux inférieurs. La justice n’a pas encore statué sur ceux traitant d’agressions sexuelles. Et ce, malgré la pression des associations de protection des droits de l’Homme. Les mêmes associations relèvent que dans cette affaire, certaines ouvrières n’ont pas été entendues par le juge, d’autres n’ont pas bénéficié des services d’un traducteur. Un droit pourtant garanti par la justice. Dans d’autres cas, c’est le juge chargé de l’affaire lui-même que les associations récusent.
Par ailleurs, l’éclatement de cette affaire a mis à nu certaines pratiques inhumaines et répréhensibles par la loi. C’est ainsi qu’il a été fait état de l’exploitation des ouvrières marocaines par une organisation syndicale espagnole. Un responsable de ce syndicat a, en effet, engagé plusieurs ouvrières pour travailler dans sa ferme contre la promesse d’un salaire alléchant. Elles se sont retrouvées, en fin de compte, contraintes à l’asservissement, sans moyens de subsistance pour certaines d’elles. D’autres se sont contentées, pour toute nourriture, de bananes, pommes de terre et œufs. Et quand elles ont réclamé leur salaire, elles ont été menacées de renvoi. Pire encore, certaines ouvrières ont été réduites aux travaux domestiques, alors que d’autres effectuaient des travaux pénibles et en ont même gardé des séquelles.
En outres, sept femmes ont déposé plainte contre leurs employeurs pour agressions sexuelles. L’affaire a été classée, affirment les associations de la société civile dans un communiqué, parce que le juge a décidé de donner crédit à la version de la défense. Cette dernière avait soutenu que les ouvrières en question ont déposé plainte dans le seul but de rester encore quelque temps en Espagne. Ce que ces dernières récusent catégoriquement, invitant, en même temps, la justice à interroger des intermédiaires qui confirmeront leur version des faits. Quant aux associations, elles exigent aujourd’hui une plus grande protection pour les ouvrières marocaines engagées dans les champs de fraise et que leur dignité et leur intégrité physique soient pleinement respectées.