Rabat: un bar de l’Agdal, hors-la-loi et bruyant, empêche ses voisins de dormir

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A l’Agdal, depuis cinq ans, «Au coin sympa» tient en éveil 64 ménages, répartis dans 4 immeubles. Ce bar mentionne sur son enseigne être un restaurant, mais ne sert qu'alcools et tapas, en plus de faire subir à ses voisins une intense pollution sonore, jusqu'à 2 heures 30 du matin. Reportage.

Le 05/02/2019 à 12h52

Une dizaine d’habitants, convoqués par N., actrice associative, et habitante du quartier, concernée elle aussi par ce tapage nocturne, se sont donnés rendez-vous une rue plus loin, afin de répondre aux questions posées par Le360.

Leurs traits sont fatigués. Leur calvaire dure depuis cinq ans, mais ils n’entendent pas baisser les bras.

64 ménages sont en effet concernés par le tapage nocturne quotidien que leur fait subir «Au Coin Sympa».

«Nous ne pouvons plus nous réunir en famille. Dès 22 heures 30 les insultes fusent et les bagarres commencent dans la rue. On se retrouve dans des situations inconfortables dans nos propres foyers», affirme Mehdi, un jeune travailleur, qui poursuit: «on rentre fatigué du travail… Pas moyen de se reposer».

«Tant que la source du problème est là, nos murs vibreront au son du chaâbi chaque nuit et nos enfants seront réveillés par les insultes», renchérit Abdelhak, un retraité habitant le quartier depuis 22 ans.

«Au total, au nom des habitants concernés, j’ai déposé deux pétitions signées, deux plaintes, ainsi qu’une lettre adressée au wali de Rabat. Au final, aucune réaction», affirme N., qui s’est chargée de faire valoir les droits de ses voisins –ainsi que les siens…

Plus grave encore, N. témoigne avoir tenté de négocier avec le propriétaire de ce bar, début janvier dernier, afin de lui expliquer le calvaire qu’elle et ses voisins subissent au quotidien. «Il m’a agressée verbalement, et s’il n’y avait pas eu l’intervention d’un de ses gorilles, qui l’a retenu, il m’aurait tabassée», explique-t-elle.

«Les gens sont épuisés de voir qu’aucune démarche n’aboutit. Ils commencent d’ailleurs à baisser les bras.»

Chacun des habitants rencontrés par Le360 a déjà essayé, au moins une fois, de convaincre le propriétaire de cette enseigne, lequel, selon les témoignages, fait preuve d’irrespect envers les riverains qui l’abordent.

22 heures 30. A moins de 100 mètres du bar, les bruits stridents de la musique à l'intérieur se font déjà entendre. Deux videurs sont assis près de la porte.

Le son résonne fortement de l’extérieur, la porte d’entrée vibre, et permet de comprendre qu’assurément, ce bar ne possède aucune isolation acoustique.

A l’intérieur, un rez-de-chaussée, une mezzanine. La lumière est tamisée, et la musique y résonne … Fort. Une demi-dizaine de tables sont occupées par des clients.

Malgré le fait que l’enseigne mentionne qu’il s’agit là d’un «restaurant», «Au Coin Sympa» est, de fait, un bar. Pas de carte, pas de menu, pas de plat du chef. L’endroit emploie deux serveurs, et deux barmaids, qui n’y servent que diverses boissons alcoolisées et des tapas.

Au fond de la salle, un petit groupe constitué d’un chanteur, d’un violoniste et d’un homme derrière un synthétiseur sont à l'origine de tout ce boucan. Ces musiciens revisitent, tout au long de la soirée, le registre populaire du chaâbi. 

De temps à autre, certains clients avinés s’approchent des musiciens, pour scander, haut et fort, de célèbres couplets de Mohamed Abdou… De leur voix écorchée.

Minuit passé. Une dizaine de tables sont à présents occupées par les clients éméchés. Et le bruit, depuis l’avenue Oqba Ibn Nafii, est extrêmement fort.

Il suffit de lever la tête pour se rendre compte qu’«Au Coin Sympa» se trouve juste en-dessous d’une école d’hôtellerie, dont l'enseigne est bien apparente, et qui occupe un étage de cet immeuble.

Or, une rapide recherche sur Internet permet de découvrir qu’un arrêté, datant du 17 juillet 1967, stipule, entre autres consignes pour l’attribution d’une licence d’alcool par la wilaya, «l'impossibilité d'implanter un débit de boisson alcoolisée près d'un établissement scolaire».

Il est donc indubitable que ce bar, situé juste en-dessous d’une petite école d’hôtellerie, contrevient à la loi. Pourtant, deux pétitions et deux plaintes, n’auront rien changé au calvaire des habitants…

Par Oussama El Bakkali
Le 05/02/2019 à 12h52