Dans une décision rendue le 20 juillet 2022, la plus haute cour du pays «n'a pas ordonné» l'extradition du Français de 21 ans, incarcéré depuis deux mois au Maroc, mais s'y est dite «favorable», a expliqué lundi à l'AFP une source marocaine proche du dossier.
L'extradition elle-même ne peut être décidée que «par le Premier ministre sur proposition d'une commission réunissant aussi les ministres des Affaires étrangères et de la Justice», a-t-on ajouté de même source.
Pour motiver sa décision, la Cour de cassation indique que la demande d'extradition a été présentée par les Etats-Unis «dans le délai prévu par la loi», accompagnée de tous les documents nécessaires.
En outre, elle précise que les «crimes» pour lesquels il est réclamé par les Américains «ont leurs équivalents dans le code pénal marocain» et ajoute que «la demande d'extradition remplit toutes les conditions exigées par la loi».
Cette décision «nous renforce dans notre détermination à obtenir l'extradition en France de Sébastien Raoult», a réagi auprès de l'AFP son avocat Me Philippe Ohayon, qui a réitéré sa demande d'ouverture d'une information judiciaire en France, assortie d'un mandat d'arrêt français pour obtenir l'extradition de son client vers la France.
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Sébastien Raoult est incarcéré depuis le 2 juin à la prison de Tiflet 2, près de Rabat. Il est passible d'une peine de 116 ans de prison aux Etats-Unis s'il était déclaré coupable, selon Me Ohayon.
Les autorités américaines réclament l'extradition de cet étudiant de 21 ans originaire d'Epinal pour son implication présumée dans une affaire de cybercriminalité visant des entreprises, américaines notamment.
«Sacrifié»Selon l'acte d'accusation américain du 10 juin transmis au Maroc et consulté par l'AFP, la justice américaine de l'Etat de Washington (ouest) a émis le 23 juin 2021 un mandat d'arrêt contre Sébastien Raoult, l'accusant notamment de «complot en vue de commettre fraude et abus électronique», «fraude électronique» et «vol d'identité grave».
La justice américaine le soupçonne d'être un membre des «ShinyHUnters» -référence à l'univers des Pokémon- accusés d'être «des cybercriminels prolifiques» depuis «au moins 2019» par les autorités américaines, et qui auraient visé notamment Github, propriété de Microsoft.
L'acte d'accusation américain rapporte que Github a transmis en mars 2022 des informations supplémentaires au FBI sur les attaques dont la plateforme a été victime, transmettant des adresses IP attribuées à Sébastien Raoult en France et au Maroc. Il s'appuie également sur des messages relatifs à ces cyberattaques attribués à Sébastien Raoult, alias Sezyo sur les réseaux, sur Discord.
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Sa défense fait ainsi valoir que s'il a piraté des entreprise étrangères, il l'aurait fait depuis le sol français et que dès lors, la justice française est compétente. Mais le 3 août, le ministre français de la Justice, Eric Dupond-Moretti avait affirmé ne pas avoir «la possibilité, à ce stade, d’intervenir».
«Nous estimons que Sébastien Raoult n'a pas simplement été abandonné par la France, mais qu'il a été sacrifié», a poursuivi Me Ohayon qui demande la saisie de l'Inspection générale de la justice (IGJ) pour comprendre pourquoi, «dûment informées d’agissements délictuels commis depuis le territoire national, les autorités françaises n’ont pas ouvert d’enquête préliminaire».
L'affaire suscite beaucoup d'émotion en France où le père de Sébastien Raoult a lancé dernièrement un appel au président Emmanuel Macron pour qu'il lui vienne en aide.
Cet avis de la justice marocaine «veut dire qu’il reste peu de temps à la France pour reprendre officiellement la main sur un dossier qu’elle sous-traite depuis des années aux Américains», a réagi Paul Raoult, joint par l’AFP.
«Cela ne veut pas dire “c’est fini, il s’en va dans une semaine” mais le temps commence à manquer, il faut vraiment que la France se bouge: elle ne peut pas laisser tomber un ressortissant français», a-t-il ajouté.