Le monde carcéral a ses codes et ses secrets que seuls les détenus peuvent décrypter. Privé de liberté, un prisonnier est constamment obsédé par l’idée de s’évader. Comment sortir du trou ? Et à quel prix quitter le monde sombre du milieu carcéral?
C’est dire que les tentatives d’évasion sont des projets permanents partout dans le monde. Même le monde du cinéma s’y met avec pas moins d’une centaine de grands films sur les évasions spectaculaires, dont le célébrissime "La grande évason" avec Steve Mac Queen.
Au Maroc, mis à part quelques tentatives individuelles,ndont certaines réussies, les évasions collectives se comptent sur le bout des doigts. Mais la mutinerie ratée dans le centre de rééducation pour jeunes délinquants d’Oukacha à Casablanca, jeudi 28 juillet 2016, pose un réel problème: que deviendront ces jeunes pensionnaires une fois dans la nature, après ce coup «culotté» ? Quelle formation ont-ils reçu pour les préparer à la réinsertion dans la société ? Quels sont les moyens humains et matériels dont dispose l’Administration pénitentiaire pour assurer le suivi de ces milliers de jeunes «raidis» voire «radicalisés» en milieu carcéral ?
Il faut admettre que la mutinerie d’Oukacha, par certains aspects, non seulement est une première, mais c’est aussi une histoire qui interroge partout, y compris et en premier lieu au sein de l’Administration pénitentiaire.
Symptomatique sans doute du malaise ambiant du milieu pénitentiaire, elle vient révéler, une fois de plus, les failles dans «la carapace carcérale»: vétusté des bâtiments, surpeuplement et promiscuité, violences et agressions, faiblesse du système de surveillance, conditions et charges de travail des personnels…
Cela appelle, dans le contexte d’aujourd’hui de lutte contre la radicalisation et le terrorisme, une réflexion approfondie des pouvoirs publics sur les mesures spécifiques en milieu pénitentiaire. Outre la violence, le phénomène de radicalisation commence et se développe dans ces lieux de privation de liberté. Un vrai défi pour l’administration pénitentiaire!
"La grande évasion»
Au mois de mars de l’année dernière, la presse nationale rapportait la «grande évasion» de onze personnes en détention préventive dans les locaux du district de police de Hay Salam à Salé. Un «scandale», titrait la presse arabophone.
Auparavant, en février 2011, plusieurs détenus de la salafiya jihadia sont montés sur le toit de la prison de Salé et menacé de commettre un suicide collectif en s'immolant par le feu. Il a fallu l'intervention d'une unité spéciale de la gendarmerie royale pour mettre fin à l'insurrection qui a duré près de vingt-quatre heures, alors que plusieurs détenus, accusés de terrorisme, se trouvaient sur le toit de la prison avec des bouteilles pleines d'essence.
Une autre évasion qui a défrayé la chronique, celle des neuf activistes islamistes, mis en cause dans les attentats de Casablanca en 2003, qui se sont échappés en avril 2008 de la prison de haute sécurité de Kénitra. Ces détenus auraient utilisé un tunnel creusé il y a vingt ans par des prisonniers politiques d'extrême gauche.
Le nombre d’évasions de prisons deviennent de plus en plus récurrents et prennent des allures spectaculaires. La nouvelle direction a annoncé une vaste réforme dans les milieux pénitentiaires.
Les effets attendus du dispositif de réformes annoncé par les pouvoirs publics ne sont pas tous concrétisés. Il est admis toutefois qu’un mouvement de réformes traverse l’Administration pénitentiaire du sommet à la base, accompagné d’un plan de formation des fonctionnaires, de réhabilitation des établissements pénitentiaires et d’autres mesures spécifiques liées à la sécurité et sûreté des détenus, aux conditions de travail des gardiens….
Compte tenu de la charge de travail des personnels d’insertion, mais aussi de la nécessité de détecter et prendre en charge la radicalisation, il va falloir doter l’Administration pénitentiaire et de réinsertion de moyens adéquats pour une réelle adaptation du monde carcéral aux évolutions de la criminalité. Des recrutements massifs et des efforts budgétaires significatifs étaient annoncés. Or jusqu’ici, avec une enveloppe de quelque 3 milliards DH, la dotation budgétaire de la Délégation générale de l’administration pénitentiaire semble peu suffisante par rapport aux dimensions du chantier de réforme.