La fraude aux examens comme cas d'école: pourquoi les Marocains sont devenus de grands tricheurs, selon un sociologue

Une anti-sèche, moyen communément utilisé par des étudiants et des élèves pour frauder à leurs examens.  . DR

Plusieurs cas de triche ont été signalés lors du concours d’accès aux facultés de médecine et aux examens du baccalauréat. La fraude a tendance à se propager. Pourquoi ce phénomène s’étend-il au Maroc? Quels sont les facteurs qui accentuent la propagation de ce fléau? Eléments de réponse, avec l'avis d'un sociologue.

Le 10/08/2022 à 16h12

Petits bouts de papier griffonnés, smartphones, kits-oreillettes... Une panoplie de moyens faits pour tricher en plein examen se perfectionne d’année en année. Au Maroc, certains étudiants considèrent la triche aux examens comme «un droit légitime», avertit d'emblée Ali Chaabani, professeur de sociologie, que Le360 a interrogé.

L’absence d’un climat de confiance est un facteur qui accentue ces pratiques frauduleuses, a fait savoir ce sociologue. «L’étudiant marocain n’a, en règle générale, aucune confiance en lui, ni en ses compétences, ni en ses qualités intellectuelles. Cela le conduit à pratiquer toutes formes de fraude pour s'assurer une probable réussite», explique-t-il.

Mais comment la triche est-elle devenue une situation normale? Selon Ali Chaabani, le comportement de l’étudiant reflète les règles du milieu dans lequel il a grandi. «L’étudiant ouvre ses yeux sur des parents qui trichent entre eux et avec lui. Le mensonge est une pratique courante dans la famille marocaine comme les cas de corruption, de falsification dans les commerces. Pour l’étudiant, la triche est par conséquent socialement admise», détaille-t-il.

Un avis que ne partage certainement pas le ministère de l’Enseignement supérieur, en ce qui concerne le concours d’accès aux facultés de médecine et qui se serait déroulé «dans de bonnes conditions et dans un climat de transparence, malgré l'enregistrement de quelques cas très limités de tricherie, lesquels ont fait objet de procès-verbaux», signale-t-on dans ce département.

Mais Ali Chaabani pointe la responsabilité des familles qui «conduiraient d’une manière ou d’une autre à la propagation de ce fléau». Certains parents croient que l’essentiel est de réussir et peu importent les pratiques illégales utilisées, alors que la qualité de la formation est souvent ignorée, souligne le sociologue.

«Même certains enseignants trichent. Ces derniers, eux-mêmes, ne sont pas tous compétents pour enseigner une matière. Certains d’entre eux ne terminent pas les programmes et ne s’assurent pas si les étudiants comprennent bien ce qu’ils enseignent», dénonce-t-il.

Ali Chaabani rappelle que le système éducatif marocain est censé assurer aux étudiants une évaluation équitable et fiable, à travers la disponibilité d’une formation par compétences, des mécanismes de communication et de contrôle pédagogique. Tout un programme... Est-il entièrement appliqué? Là est toute la question.

Par Ihssane El Zaar
Le 10/08/2022 à 16h12