Découvrir un trésor et devenir riche sans fournir aucun effort. Un fantasme humain!
Avant la création des banques, les gens cachaient leurs richesses des voleurs, des brigands, des attaques de guerriers et des pilleurs: argent, bijoux et objets de valeurs. Les pièces de monnaie étaient en or ou en argent.
Au Maroc, les riches commerçants et les fonctionnaires tels que les caïds enterraient leur fortune dans des lieux tenus secrets. Si la mort survient sans que la personne n’en ait informé un proche, le trésor est perdu. Dans plusieurs régions, la mémoire des douars et des familles transmet, de génération à génération, les légendes de trésors à détecter.
Parfois, les héritiers détruisent la maison des ancêtres pour découvrir les magots dans les murs, sous terre, sous zallija (carreau du sol), sous al’âtba (seuil de la porte). Puits desséchés, cimetières, grottes et sous-sol servaient de coffre-fort.
Pour découvrir le trésor, il faut avoir la takyida (plan). Aujourd’hui encore, des arnaqueurs vendent des takyidas falsifiées à des naïfs qui déchantent rapidement.
Mais il ne suffit pas de connaître l’emplacement pour se mettre à creuser.
Il faut que le projet reste secret et être accompagné de spécialistes de l’extraction de trésor. Sur chaque trésor veille un ‘âfrite (djinn), dit-on. Selon la croyance, il faut pacifier les djinns, sinon ils attaquent et la personne est paralysée à vie.
Les repérages sont faits de jour et l’extraction parfois de nuit pour ne pas alerter le voisinage et les autorités.
Curieusement, ce sont des fquihs qui font le rituel. Certains utilisent le Coran, d’autres des pratiques scandaleuses, voire sataniques!
Ils commencent par la lecture du Coran pour purifier le lieu. S’ils ignorent où creuser, ils font tarbi’ (quadrillage): ils jettent des grains de blé ou d’orge en l’air et font ta’zime (lecture du Coran et de textes extraits d’anciens manuels de sorcellerie). Les graines tomberaient là où il faut creuser.
On peut utiliser lkhathe znati, un recueil de signes calligraphiques utilisés dans les sciences occultes, que les fquihs-sorciers consultent pour la voyance.
Quand on localise le trésor, il faut le libérer des djinns.
Certains fquihs utilisent des moyens inoffensifs. D’autres sont de redoutables criminels.
Il y a plusieurs rituels, dont celui du zouhri.
Le garçon zouhri (zouhrya pour la fille) aurait un don divin: sensibilité et instinct très développés, baraka... Les paumes de ses mains sont traversées horizontalement par une ligne droite. Parfois c’est aussi sa langue qui est traversée verticalement. Son teint et ses yeux sont clairs. Il peut avoir chaque œil d’une couleur différente, un point sur l’iris de l’œil, un léger strabisme. Il ne doit pas être pubère.
Le zouhri est emmené là où le fquih pense que le trésor est enterré. Le fquih récite du Coran et des formules d’un livre appelé damyati, célèbre chez les professionnels de la sorcellerie. Je ne suis pas arrivée à avoir des informations sur ce livre. Certaines références parlent de «Asmaa Allah al housna» (les 99 appellations de Dieu). Mais je n’en suis pas convaincue.
Avec la magie, l’enfant regarde sa main et y voit le chemin vers le trésor. Sinon, on promène l’enfant jusqu’à ce qu’il indique un lieu précis.
Le fquih continue ta’zime et enfume le lieu en brûlant différentes plantes pour calmer les djinns.
Il faut abreuver les djinns de sang: sacrifier un coq, mais noir, à la crête noire, ce qui est rare.
On raconte que quand on creuse, à un moment apparaissent des escargots, dernière trace de djinns. Il faut continuer ta’zime et la lecture du demyati car le magot est proche.
D’autres pratiques sont plus graves. Le fquih use de rituels sataniques: les djinns se sauveraient s’ils sont arrosés du sang d’un zouhri. On fait alors une entaille dans le bras de l’enfant pour faire couler son sang.
Il arrive que l’enfant soit carrément sacrifié!
Mais attention, ces crimes déplorables sont exceptionnels. Mais comme une partie de la population croit en l’effet du zouhris, elle a peur que ses enfants ne soient enlevés. Les disparitions d’enfants sont alors vite reliées, souvent à tort, à des chasseurs de trésor.
Il y a aussi, quoique très rarement, des tentatives d’enlèvement de zouhri ou zouhrya. Lors de ce mois d’avril, près de Khénifra, des gendarmes ont arrêté l’imam d’une mosquée, suite à une plainte déposée par des parents d’élèves. L’accusé approchait les enfants à la sortie de l’école et examinait la paume de leurs mains.
En 2017, c’est une femme qui a été appréhendée à Azilal pour les mêmes raisons, avec 3 complices.
En 2022, à Zagora, 8 personnes sont condamnées pour enlèvement et charlatanisme suite à une plainte déposée par une femme zouhrya qui les accusaient de tentative d’enlèvement.
À part ces criminels, il y a des personnes moins nocives qui tentent de déterrer des trésors. La gendarmerie y est confrontée régulièrement à la campagne.
La loi interdit les fouilles sans autorisation. Tout ce que contient le sol et le domaine maritime appartient à l’État. Si une personne tombe sur un trésor, elle doit en informer les autorités. Elle sera indemnisée. Sinon, les peines peuvent aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement.
Mais une question me taraude: pourquoi, en Occident, les chasseurs de trésor creusent-ils sans être confrontés aux djinns?
Aujourd’hui, il y a les détecteurs de métaux, très efficaces, qu’utilisent dans nos plages des chasseurs de métaux pour récupérer les bijoux perdus dans le sable. Certains en font un loisir.
Moi, j’ai un moyen encore plus efficace: ‘raque laktafe (travailler à la sueur de son front)! Que Dieu nous protège de l’appât du gain facile qui fait perdre la raison!