Depuis la fin de l’année dernière, une polémique enfle sur les réseaux sociaux. Elle concerne l’application chinoise TikTok. Très prisée auprès de la jeune génération, elle est aujourd’hui pointée du doigt par de nombreux citoyens marocains et a même fini par atterrir au Parlement.
Le 27 décembre 2023, la députée du Parti authenticité et modernité Hanane Atarguine a adressé une question orale à la ministre déléguée en charge de la Transition numérique et de la Réforme administrative, Ghita Mezzour, demandant la suspension de TikTok au Maroc. Selon l’élue, cette application est en train de détruire toute une génération de jeunes Marocains avec son contenu «médiocre et véhiculant des valeurs touchant à la dignité des Marocains».
S’attaquer au contenu et non pas au canal
Interrogé sur le sujet, Marouane Harmach, directeur d’un bureau d’études spécialisé en communication digitale, e-réputation et communication sensible, note que le problème est ailleurs. «Interdire le téléchargement ou l’accès à TikTok ne changera absolument rien à la donne puisqu’il y a toujours moyen de contourner cette interdiction en passant par des outils sur internet usités auprès de la jeune génération», explique-t-il.
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«Le problème est dans le contenu et non pas dans le canal», résume le spécialiste de la communication digitale, qui attire néanmoins l’attention sur un autre sujet beaucoup plus dangereux: «Il y a du contenu pornographique sur les réseaux sociaux accessible aux mineurs. Il faut vraiment agir et vite.»
Si l’interdiction de TikTok au Maroc est inefficace et pas faisable sur le plan technique, selon Marouane Harmach, elle risque aussi et surtout d’émailler l’attractivité du pays. «Quel message allons-nous transmettre? Nous qui voulons attirer l’investissement, nous allons passer pour un pays anti-droits de l’homme», met-il en garde.
Khalid Sherrif n’est pas du même avis. Ce podcasteur, connu sous le surnom «Black Mossiba» et l’un des premiers au Maroc à offrir du contenu faisant l’analyse sarcastique de la société marocaine, est pour l’interdiction de TikTok. «Le contenu est catastrophique. TikTok véhicule vraiment le pire de la société marocaine. Je ne vois qu’une seule solution pour mettre fin à ce déferlement de contenu dégradant, c’est d’interdire cette application», défend-il, déterminé.
TikTok, le miroir des adolescents
Il y a quelques jours, «Black Mossiba» a diffusé un podcast dans lequel il critique les tiktokeurs marocains. «Contrairement aux autres plateformes, TikTok permet la diffusion de n’importe quel contenu, en vrac, sans filtres. Insultes, nudité... Tout y est autorisé. À mon sens, c’est ultra dangereux.» Et le pire, selon lui, c’est que l’application a surtout la cote auprès des adolescents.
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«À mon époque, dans les années 80, lorsque les adolescents souhaitaient s’exprimer, se défouler, ils se plaçaient devant leur miroir. Aujourd’hui, le miroir, c’est TikTok», poursuit le podcasteur, inquiet. Et de rappeler que la notion de challenge sur TikTok est ce qui séduit les adolescents marocains: «C’est un secret de polichinelle. Les adolescents ont besoin de se lancer des défis, de se comparer, de paraître sous leur meilleur jour, et c’est ce qui est le plus problématique. On se retrouve avec un phénomène dégradant.»
Les propos de Black Mossiba se rapprochent à ce niveau de ceux de Marouane Harmach, pour qui il est nécessaire, aujourd’hui plus que jamais, de travailler sur le contenu, de régulariser et d’associer la société civile dans cette mission.