Abdelilah Benkirane est en train de lutter de toutes ses forces… pour empêcher ou retarder la réforme de la Moudawana. Il en fait une affaire personnelle. Et il en fait trop. Il menace, il tonne, il crie sur tous les toits… Au point que l’expression «ruer dans les brancards» semble avoir été inventée rien que pour lui.
Dit comme ça, cela peut paraître fou, incroyable. Nous parlons quand même de l’ancien Premier ministre (ou Chef de gouvernement, c’est comme vous voulez).
Même quand ils sont extrémistes et radicaux, les hommes politiques gagnent en «douceur» et en souplesse quand ils accèdent à «l’investiture suprême». Ce n’est pas une loi mais un code, un urf, un devoir moral en quelque sorte. Parce que la fonction de Premier ministre implique ce devoir moral, justement, de veiller aux intérêts de tous les Marocains, et pas seulement de ceux qui appartiennent à la paroisse du «chef».
Peu importe les calculs de monsieur Benkirane. C’est de politique qu’il s’agit ici, rien d’autre. Une politique qui veut tirer la société marocaine vers le bas, en la figeant dans un schéma injuste, inégalitaire et, pour le dire en un mot, arriéré.
Comme si le développement de ce pays passait par la lutte contre la Moudawana et les droits de la femme. Non mais!
J’invite monsieur Benkirane et ceux qui partagent ses orientations à se détendre et à regarder un film jordanien (en streaming ou en salle, s’ils se déplacent en Europe ou dans le monde arabe, où il cartonne) qui s’appelle «Inchallah un fils». Ce film résume à lui seul pourquoi le Code de la famille dans le monde arabe est un puissant facteur de sous-développement et d’injustice sociale.
C’est l’histoire d’un couple de la classe moyenne, avec maison et voiture à crédit. Ils ont une fille, pas de garçon. Quand le mari meurt subitement, son frère s’empresse de réclamer sa part d’héritage et la tutelle de la fillette. La femme risque ainsi, du jour au lendemain, de se retrouver dans la rue, à moins que…
Le film décrit une situation que la réforme de la Moudawana promet de faire évoluer. Sans héritier mâle, c’est le beau-frère, beau-père ou n’importe quel cousin éloigné, qui se mêle de l’héritage et de la tutelle. Le testament, qui peut parer à de tels risques, est légalement interdit. Que reste-t-il comme filet de sécurité à la jeune veuve? Qu’elle tombe enceinte et que le bébé à venir soit de sexe masculin. Autrement, elle perd tout…
Voilà le genre de drame auquel peut être confrontée une femme arabe. En Jordanie, au Maroc ou ailleurs. Certaines en viennent à tricher et à violer la loi pour sauver leur vie.
Pour éviter une telle injustice, il suffit d’un trait de crayon pour récrire le Code de la famille. Est-ce trop demander?
Voyez-vous, cher monsieur Benkirane et chers paroissiens, les progressistes et les féministes luttent pour les droits de vos épouses, de vos mères et de vos filles. Ne les remerciez pas. Mais cette cause finira par triompher pour une raison très simple: elle est juste.
Tellement simple que cela devient dur à comprendre, n’est-ce pas!