Histoire. Ces œuvres dramatiques qui ont fini devant les tribunaux

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Revue de presseKiosque360. La sitcom «Café Ness Ness» n’est pas la seule œuvre dramatique qu’on a tenté de faire interdire par la justice. Le Maroc a connu récemment plusieurs cas du genre qui ont fini devant les tribunaux. Florilège.

Le 07/05/2021 à 20h58

Dans le passé, la plupart des œuvres cinématographiques ou des séries télé dont la diffusion a été suspendue ou arrêtée par la justice, étaient des biopic. Dans le monde arabe, l’un des premiers cas du genre remonte à il y a plus de quarante ans. Il s’agit de la série «Al Ayyam» (Les jours) qui est une série biographique du célèbre acteur égyptien Taha Hussein, tiré de son roman du même nom, rappelle le quotidien Al Akhbar dans un mini-dossier consacré à ce thème dans son édition du 7 au 9 mai.

Dans ce cas, comme dans les situations similaires, ce sont les membres de la famille du concerné qui s’opposent à l’œuvre, le plus souvent parce qu’elle contient des éléments qui pourraient nuire à la mémoire du défunt. 

D’un manière globale, outre ce genre de cas, une œuvre dramatique peut également être interdite de diffusion pour des raisons politiques, pour une question de droit d’auteur ou encore lorsqu’elle comporte des propos attentatoires à une personnalité publique. Dans notre pays, la question ne se posait pas par le passé. La censure faisait très bien son boulot. Dernièrement, ce n’est plus le cas. Nous avons pu le constater il y a quelques jours lorsque des avocats ont intenté un recours en justice contre la SNRT pour qu’elle arrête la diffusion de la sitcom «Café Ness Ness». La Haca a également été saisie à ce sujet et sa décision a été largement en faveur de la préservation de la liberté de création.

Quelques années plus tôt, «Kenza F’Douar», une autre sitcom qui a réalisé un record d’audience en 2014, a fini devant le tribunal de Ain Sbaâ à Casablanca. La société de production a été poursuivie pour plagiat. Abdellah Chouka, un habitant de Rhamna, avait eu l’idée, en 2007, d’écrire le scénario d’un téléfilm mettant en scène les habitants d’un douar dont la vie a été complètement chamboulée par la construction d’une autoroute à proximité. Il aurait confié le scénario à 2M la même année. Il a attendu une réponse jusqu’en 2012, date à laquelle il a décidé de confier le même scénario à une société de production. Toujours pas de réponse. Mais au mois de Ramadan 2014, il a été surpris par la diffusion d’une série qui reprend exactement le contenu de son scénario. D’où ce procès.

Cela dit, note le quotidien, c’est sans doute le film «Much Loved» de Nabil Ayouch, avec en vedette Loubna Abidar, qui a battu le record des procès en justice. On ne compte plus le nombre de fois où le réalisateur et l’actrice principale ont été poursuivis devant les tribunaux à cause du contenu de ce film. Le dernier procès en date leur a été intenté par une association de protection des droits du citoyen qui s’est portée en partie civile. L’association avait accusé le réalisateur et la comédienne d’atteinte à la pudeur et de diffusion en public de scènes à caractère pornographique.

En 2012, le tribunal de Rabat a dû statuer sur une affaire opposant la famille du chanteur Mohamed El Yayani à la SNRT et au réalisateur Kamal Kamal. La famille de l’artiste avait déposé une plainte après avoir visionné les premiers épisodes d’une série biographique diffusée par la première chaîne pendant le mois de Ramadan. Dans son recours, la défense de la famille a estimé que l’œuvre comporte certains faits qui n’ont jamais existé dans la vie du défunt. Pourtant, souligne le quotidien, la famille de l’artiste et la SNRT étaient d’accord sur tous les détails de cette œuvre depuis la décision, trois ans plus tôt, de la produire. Mais après, il y a eu un malentendu avec la société de production et l’affaire a fini devant le juge.

Il y a un peu plus de sept ans, une autre série, diffusée par Medi1 TV cette fois, a été arrêtée par la justice. Le tribunal de commerce de Casablanca a, en effet, décidé d’arrêter la diffusion de la deuxième saison de la série «Mille et une nuits», suite à un différend entre le réalisateur et la productrice de la première saison. Cette dernière revendique la propriété intellectuelle du scénario. Selon le quotidien, le réalisateur de la première saison est mort dans un accident et la chaîne a décidé quand même de la reconduire, mais sans l’accord de la productrice.

En remontant plus loin dans le passé, plusieurs autres œuvres ont subi un sort similaire, mais sans l’intervention de la justice. Le quotidien nous apprend que le tournage du fameux film «Arrissala» (le Message) de Mustapha Akkad, allait se dérouler au Maroc, à Ouarzazate et Errachidia. Alors que tout allait bien et en plein tournage, le réalisateur a reçu un appel de Hassan II lui demandant de tout arrêter. En fait, le défunt roi exigeait une autorisation d’Al Azhar avant de commencer le tournage. Mais en réalité, affirme Al Akhbar, feu Hassan II avait pris cette décision après avoir reçu un appel du roi de l’Arabie Saoudite. Ce dernier s’opposait catégoriquement à la personnification dans ce film de Hamza, l’oncle du prophète.

Le défunt roi avait également mis fin à la diffusion d’un programme radiophonique diffusé sur la chaîne nationale en 1988. Les producteurs de «Layali Ramadan», diffusé entre minuit et 3h, ont commis l’impair d’inviter la défunte sociologue Fatima Mernissi pour parler des responsabilités de la femme dans la société. Le quotidien évoque un autre registre le cas d’une fiction syrienne qui a suscité une polémique. Diffusée en Algérie, la série «La colère du Sahara», qui met en scène une tribu évoluant dans le désert arabique, a pris une dimension politique et elle a été interprétée dans le contexte du conflit autour du Sahara marocain. La série n’a pas été interdite au Maroc, mais les Marocains l'ont plutôt connue sous le titre «Al Azrak».

Par Amyne Asmlal
Le 07/05/2021 à 20h58