Heure d’été: quand le gouvernement perd la notion du temps

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Revue de presseKiosque360. Après la parenthèse du ramadan, le Maroc devrait revenir à l’heure d’été ce dimanche 9 juin à 2 heures du matin. Un retour à GMT+1 qui trouble le sommeil des Marocains et divise le gouvernement sur l’efficacité d’une décision prise à titre expérimental.

Le 04/06/2019 à 22h10

Dans quelques jours, le Maroc repassera à l’heure d’été après une dérogation due au mois de ramadan. Un retour au GMT+1 qu’apprèhendent les Marocains après l’avoir vivement contesté lors de son instauration il y a quelques mois. Le gouvernement avait pris cette décision à la hâte et sans consulter les citoyens, ni prendre en compte les dommages causés par ce changement d’heure. Une indifférence qui avait déclenché une vague de contestations et de manifestations dans différentes villes du Maroc, ponctuées par une grande marche à Salé et à Rabat.

D’ailleurs, six mois après le passage à l’heure d’été, les citoyens n’ont pas cessé de demander son annulation et de dénoncer ses conséquences néfastes sur leur vie quotidienne. La journaliste Sanaa Kouiti souligne que l’heure d’été a complètement chamboulé sa vie et celle de ses trois enfants: «Je ressens une grande fatigue pendant la matinée tout comme mes enfants qui ont du mal à se réveiller, notamment en hiver quand ils sont obligés d’aller à l’école alors qu’il fait encore sombre».

Le même constat est fait par Khaoula Khalfi, directrice d’une école paramédicale, qui affirme que ce changement d’heure a impacté négativement la capacité de concentration des étudiants. Pour sa part, le fonctionnaire Mohamed El Idrissi considère que les arguments du gouvernement ne sont pas convaincants notamment en matière d’économie d’énergie. Pour lui, ce que le gouvernement économise dans la soirée, il le perd dans la matinée car dit-il, en se réveillant très tôt alors qu'il fait encore nuit, les citoyens consomment autant d’énergie que pendant l’heure légale.

Le quotidien Akhbar Al Yaoum rapporte, dans son édition du mardi 4 au vendredi 7 juin, que l’étude réalisée par le gouvernement pour justifier sa décision est assez ambiguë et souvent contradictoire. Cette étude explique que le passage à heure d’été donne une sensation d’insécurité aux citoyens le matin et l’augmentation de la consommation d’électricité en hiver. Si le gouvernement justifie sa décision par la «sécurité énergétique», beaucoup d’observateurs considèrent que le passage à l’heure d’été a été instauré pour préserver les intérêts économiques de l’UE et notamment ceux de la France. Après avoir étudié les trois options proposées par les experts (GMT+1 toute l’année, GMT+1 en hiver et GMT+1 selon les saisons), l’Exécutif a choisi l’adoption de l’heure d’été pendant toute l’année.

Le gouvernement estime que le changement d’heure quatre fois par an a des conséquences néfastes sur l’heure biologique des Marocains en provoquant des troubles hormonaux qui réduisent la concentration et la vigilance. L’étude a démontré, par ailleurs, qu’au niveau de la rentabilité économique, l’instauration de l’heure d’été de mars à octobre a impacté positivement les activités internes. En revanche, ce changement n’a aucunement boosté le commerce extérieur du Maroc. L’étude a toutefois conforté l’avis du gouvernement en matière d’économie d’énergie et de réduction des émissions d’oxyde de carbone.

Face aux contradictions de cette étude, le chef du gouvernement et ses ministres ont eu du mal à se faire une idée claire sur l’efficacité ou non du passage à l’heure d’été pendant toute l’année. En tout cas, Saâd-Eddine El Othmani est resté dubitatif lors d’une rencontre avec un groupe de journalistes, affirmant que le gouvernement attend les résultats d’une nouvelle étude supervisée par le ministère de la fonction publique. Mieux encore, le chef de l’Exécutif a déclaré que le gouvernement n’avait pas encore pris de décision définitive. D’ailleurs, ajoute-t-il, le décret gouvernemental a été clair, précisant que le passage à l’heure d’été avait été fait à titre expérimental.

Et comme il fallait ajouter plus d’ambiguïté sur ce sujet, le ministre de la fonction publique, Mohamed Benabdelkader, a voulu faire du zèle en déclarant que les résultats préliminaires sont «rassurants». Et le ministre de jubiler avant que l’étude ne soit complètement achevée: «Les indicateurs de l’étude qui mesure l’impact de l’heure d’été sur la santé, la sécurité, l’énergie, l’éducation nationale et la consommation, sont rassurants». Pourtant, le chef du gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani a bel et bien déclaré que la deuxième étude n’est pas encore prête. Autant dire que le flou le plus total règne sur ce sujet et que la seule vérité établie est celle d’un sondage qui indique que l’heure d’été trouble le sommeil de 77% de Marocains et que 70% d’entre eux perdent une à deux heures de sommeil.

Par Hassan Benadad
Le 04/06/2019 à 22h10