Grippe: pourquoi cette saison fait tant parler, sans être «inhabituelle»

Une personne grippée.

Fièvre, toux, fatigue... L’hiver a ses classiques. Cette saison encore, la grippe est bien présente. Pour autant, la situation reste normale et sous surveillance. Aucun signal de gravité particulier n’a été relevé jusqu’à présent et les hospitalisations restent comparables à celles observées lors des saisons antérieures, selon le ministère de la Santé.

Le 21/12/2025 à 09h00

Un collègue absent, un enfant fiévreux et une toux sèche qui s’éternise. L’hiver installe son décor habituel et, avec lui, la même sensation diffuse que «tout le monde est malade». Très vite, une autre idée s’invite dans les conversations: et si la grippe était plus forte cette année?

Pour autant, la situation reste normale et sous surveillance, loin de tout scénario inquiétant. Selon le ministère de la Santé, «la situation épidémiologique liée à la grippe est suivie de manière continue. Les données disponibles depuis octobre montrent une circulation saisonnière apparue un peu plus tôt que d’habitude, sans évolution inhabituelle à ce stade».

Aucun signal de gravité particulier n’a été relevé jusqu’à présent et les hospitalisations liées aux infections respiratoires aiguës restent comparables à celles observées lors des saisons antérieures, rassure-t-on.

Pour Mouad Merabet, coordonnateur du Centre national des opérations d’urgence de santé publique du ministère de la Santé, le point de départ est simple. L’influenza est un virus saisonnier, celui qui circule habituellement à cette période. Il est présent tout au long de l’année, mais la circulation devient plus intense pendant la saison froide. Dans l’hémisphère Nord, la grippe suit une dynamique largement partagée et le Maroc ne fait pas exception. Quand l’Europe, l’Amérique du Nord ou les États-Unis connaissent une forte circulation des virus grippaux, le Royaume est «naturellement concerné par cette même dynamique épidémiologique».

Première idée à fixer. La grippe n’est pas un événement rare qui surgit de nulle part. Elle revient chaque année, parfois plus tôt, parfois plus tard et varie d’une saison à l’autre. Mouad Merabet insiste sur ce point, parce qu’il explique une grande partie de ce que le public interprète comme «exceptionnel». La saison grippale n’obéit pas «à un rendez-vous japonais». Résultat: elle peut arriver plus tôt ou se faire attendre.

Le responsable évoque aujourd’hui une arrivée plus précoce de la saison grippale. Oui, c’est un signal à suivre. Mais non, ce n’est pas alarmant et cela n’a pas d’impact majeur en santé publique à ce stade. La situation actuelle n’a rien d’inhabituel, insiste-t-il.

Comprendre les types de virus pour comprendre la saison

Deuxième point, souvent mal compris. Quand on dit «grippe», on parle en réalité d’une famille de virus. Le virus de l’influenza comprend plusieurs types. Le type A est le plus important en santé humaine. Il est responsable des épidémies saisonnières. Il n’infecte pas seulement l’homme. Il circule aussi chez des animaux, notamment les oiseaux et les porcs. C’est un point central, car cette diversité d’hôtes favorise l’apparition de nouveaux variants sur le long terme.

Le type A est classé selon deux protéines de surface. L’hémagglutinine, appelée H, et la neuraminidase, appelée N. C’est ce duo qui donne des noms devenus familiers. H1N1, H3N2 et d’autres combinaisons. Mouad Merabet rappelle qu’au sein du type A, deux sous-types qui reviennent le plus dans l’actualité sont H1N1, dont celui de 2009 connu sous le nom de grippe porcine, et H3N2, très présent cette saison.

Le type B, lui, infecte presque exclusivement l’être humain. Il peut provoquer des épidémies saisonnières parfois sévères, mais ne cause pas de pandémies. Dans ce type B, on distingue principalement deux lignées, Yamagata et Victoria. Le type C est généralement associé à des infections bénignes, souvent chez l’enfant.

Le type D touche, quant à lui, surtout les animaux, notamment les bovins et les porcs. À ce jour, il n’est pas reconnu comme cause de maladie chez l’homme et relève surtout du domaine vétérinaire. L’idée à retenir est donc claire. En pratique, les saisons de grippe sont dominées par les types A et B, avec des sous-types et des lignées qui alternent.

Troisième point. Chaque saison, plusieurs virus circulent en même temps. Pourtant, un seul finit presque toujours par dominer. Les autres restent présents, mais beaucoup moins fréquents. C’est un phénomène observé régulièrement et qui ne doit pas être interprété comme une anomalie.

Cette année, les analyses confirment la présence de virus respiratoires saisonniers, notamment la grippe de type A (H3N2), dans une dynamique conforme à celle observée à l’échelle internationale selon la dernière mise à jour de l’OMS, fait savoir le responsable. Ce n’est donc pas une singularité marocaine. C’est une tendance partagée et le Maroc, par sa position et ses échanges, s’inscrit dans cette continuité.

Mutations, variants, sous-clades et cette impression d’une grippe plus «agressive»

Quatrième point, souvent source de confusion. Les virus grippaux mutent. Tous les virus mutent et c’est encore plus vrai pour l’influenza. La question n’est pas de savoir s’il y aura des mutations, mais à quelle fréquence et avec quel impact.

Certaines mutations peuvent rendre le virus plus contagieux. D’autres peuvent modifier la façon dont les symptômes se manifestent. Résultat, certaines années, la grippe semble plus dure à vivre. Plus de fatigue, des symptômes plus marqués, des épisodes plus longs. Mais cette perception n’implique pas forcément l’apparition d’un nouveau virus ni une situation exceptionnelle. Mouad Merabet insiste sur le fait qu’il s’agit souvent d’une variation normale du comportement des virus d’une saison à l’autre.

C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la mention du sous-clade K de A(H3N2). Il s’agit d’un mutant du H3N2. Une subdivision utilisée par les spécialistes pour suivre l’évolution génétique du virus. Et, point essentiel, il n’y a pas de signes de gravité associés à ce sous-clade à ce stade.

Cinquième point, déterminant. La gravité ne se mesure pas au nombre de personnes qui toussent autour de soi ni au volume de messages sur les réseaux. La gravité se mesure avec des indicateurs et l’un des plus importants est la proportion de cas qui entrent en soins intensifs.

Mouad Merabet résume la situation en chiffres simples et parlants. Environ 60% des cas de grippe saisonnière sont bénins, des formes légères. Le reste correspond à des cas symptomatiques classiques, avec le tableau connu de la grippe, fièvre, toux sèche, maux de tête, courbatures, fatigue. Cela peut être éprouvant, mais cela ne signifie pas que l’épidémie bascule dans une forme exceptionnelle. À ce stade, son message est constant. Pour le moment, rien d’inhabituel.

Le vrai point de vigilance, les facteurs de risque

Sixième point. Si la situation est globalement normale, la grippe peut se compliquer. Et elle se complique surtout chez les personnes qui ont des facteurs de risque. Les profils cités par le coordonnateur sont ceux que l’on retrouve dans toutes les recommandations. Les femmes enceintes, les petits enfants, les personnes âgées, les personnes atteintes de maladies chroniques, ou celles dont l’immunité est affaiblie. Dans ces groupes, les infections respiratoires aiguës peuvent entraîner des complications. C’est là que la prévention prend tout son sens.

Septième point. La réponse ne repose pas sur un geste unique, mais sur deux axes. Prévenir et prendre en charge tôt. La prévention commence par la vaccination, surtout pour les personnes à risque.

Deuxième volet, les comportements en cas de symptômes. Le responsable rappelle des conseils simples, mais qui font la différence. Se reposer, bien s’hydrater, boire beaucoup d’eau, consulter si nécessaire, suivre un traitement médical adapté. Et surtout éviter de contaminer les autres. C’est une dimension qui a pris une place particulière après le Covid. Les infections respiratoires aiguës se transmettent facilement. Travailler malade, multiplier les contacts, négliger l’hygiène respiratoire favorise la propagation.

Pourquoi on ne suit pas la grippe cas par cas

Huitième point. Certains s’étonnent de ne pas voir un comptage individuel aussi détaillé que pour d’autres maladies. La raison est simple et pratique. La grippe est très fréquente et une part importante des personnes infectées ne consultent pas. Surveiller la grippe cas par cas n’est pas utile et ne refléterait pas la réalité.

Le Maroc utilise donc une approche internationale, la surveillance sentinelle. Elle repose sur des médecins répartis sur l’ensemble du territoire national de manière représentative. Ils sélectionnent des malades présentant des signes respiratoires et envoient les prélèvements à des laboratoires de référence accrédités par l’Organisation mondiale de la santé. C’est un fonctionnement standard. Tous les pays travaillent ainsi, rappelle notre interlocuteur.

Neuvième point. La logique est simple, mais rigoureuse. On part d’abord de patients qui présentent une infection respiratoire aiguë. En clair, ils toussent et ont de la fièvre. Ces symptômes indiquent une infection respiratoire probable, mais pas forcément la grippe, puisque d’autres virus peuvent donner la même image.

Ensuite, on réalise un prélèvement. Ce test détecte précisément le virus responsable en recherchant le matériel génétique de l’influenza. On arrive ainsi à distinguer les cas qui ont réellement la grippe de ceux qui ont une autre infection respiratoire comme le rhume, la Covid-19 ou le VRS. Ce travail sert à la surveillance épidémiologique, au diagnostic et parfois à orienter la prise en charge.

Dixième point. Parmi les indicateurs suivis, le taux de positivité occupe une place centrale. Il s’agit de la proportion de prélèvements positifs parmi l’ensemble des tests réalisés chez des patients symptomatiques. Pourquoi cet indicateur est-il important. Parce qu’il mesure la circulation réelle du virus, indépendamment du nombre brut de consultations.

Il évolue naturellement au fil de la saison. Il est faible hors saison, augmente au début, atteint un pic lors de la vague, puis diminue. Il n’existe pas un seuil universel valable partout, mais une hausse durable sur plusieurs semaines est un signal suivi de près.

Mouad Merabet évoque un taux de positivité d’environ 12% (au mercredi 17 décembre). Un chiffre appelé à changer et qui doit toujours être interprété avec d’autres données, hospitalisations, gravité, impact sur les populations à risque. À lui seul, il ne suffit pas à qualifier une situation exceptionnelle.

La grippe saisonnière circule donc cette année selon une dynamique connue et attendue. «La situation épidémiologique est globalement normale», assure le ministère de la Santé, qui poursuit une surveillance étroite aux niveaux national et international. Si aucune alerte particulière n’est à signaler, la vigilance reste de mise, surtout pour les populations vulnérables. Vaccination, prévention et prise en charge précoce demeurent les meilleures armes face à cette maladie.

Par Hajar Kharroubi
Le 21/12/2025 à 09h00