«Il n’est pas logique de construire des stades dernier cri alors que des victimes du séisme ne sont toujours pas relogées», a lancé la députée Fatima Tamni de la Fédération de la gauche démocratique (FGD), lors des questions orales à la Chambre des représentants.
Deux ans après le séisme qui a frappé Al Haouz et ses provinces voisines, de nombreuses familles vivent encore dans des tentes ou des abris précaires, affrontant la pluie, le froid glacial à l’approche de la période hivernale. «Leur dignité a été réduite à des chiffres sur du papier», a dénoncé la députée, soulignant que certaines familles financent elles-mêmes la reconstruction de leur maison.
Face à cette détresse, la ministre de l’Urbanisme, Fatima Ezzahra El Mansouri, a rappelé que la mission était d’une complexité exceptionnelle: «Je crois profondément en la force des chiffres, car ils racontent la vérité du terrain. Mais derrière chaque chiffre, il y a des familles, des villages et un travail colossal.»
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Elle a expliqué que tout avait commencé par deux réunions présidées par Sa Majesté le Roi, qui ont fixé les grandes orientations de la reconstruction. Le chef du gouvernement a immédiatement mis en place une commission interministérielle, qui a tenu 16 réunions à ce jour.
Des commissions conjointes entre le ministère de l’Urbanisme et le ministère de l’Intérieur, complétées par des commissions mixtes centrales, provinciales et locales, ont été créées, rassemblant représentants de l’État, élus et autorités territoriales. «Ce sont ces équipes qui ont permis de réaliser le premier recensement, étape indispensable pour évaluer l’ampleur réelle des dégâts», a-t-elle insisté.
Des chiffres qui racontent le terrain
Selon la ministre, 170.000 bâtiments ont été recensés initialement. Parmi eux, 26.798 habitations ont été identifiées lors de la première phase. L’ouverture d’un dispositif de demandes et de recours a permis de multiplier les visites de terrain et de mettre à jour les données. Après expertise de 160.000 constructions, 32.170 habitations supplémentaires ont été intégrées au programme, portant le total à 58.968 bâtiments concernés.
«8.239 habitations se sont totalement effondrées, soit 14%, tandis que 50.729 ont été partiellement endommagées», précise la ministre. Pour soutenir les familles, une aide financière directe a été déployée: 140.000 dirhams pour les logements totalement détruits et 80.000 dirhams pour ceux partiellement touchés.
Les contraintes d’un chantier hors norme
La ministre a insisté sur les difficultés liées aux zones sinistrées: «On ne peut pas comparer l’incomparable. Construire un stade sur un terrain plat n’a rien à voir avec reconstruire des habitations au sommet d’une montagne. Quand une route est coupée, comment faire parvenir les matériaux, les machines ou même les outils de reconstruction? Comment atteindre ces villages isolés, où l’accès lui-même devient un défi?»
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Elle a rappelé le travail continu de son ministère: «Nous nous réunissons chaque mois avec le chef du gouvernement et chaque semaine avec les secteurs concernés. Nous nous rendons régulièrement sur le terrain pour constater l’avancement des chantiers. J’étais moi-même à Marrakech au moment du séisme.»
Des avancées, mais des familles toujours en attente
Les résultats sont concrets: 58.945 autorisations de construire ont été délivrées, dont 53.648 maisons ont achevé leur processus de reconstruction, tandis que 55.175 ont atteint la phase de réception de leurs fondations. Mais environ 4.000 personnes vivent encore dans des douars très risqués, où il est impossible de rester durablement.
La ministre reconnaît la souffrance persistante: «Les habitants expriment une souffrance réelle, parfois extrême, dans plusieurs douars.»
Pour la ministre, la priorité reste la sécurité: «Nous ne pouvons reloger ces familles dans des zones dangereuses. La sécurité prime sur l’urgence du retour au domicile. Peu de pays ont géré une crise de cette ampleur avec autant de méthode, de sagesse et de rigueur.»
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On pourrait voir le verre à moitié plein: des progrès considérables ont été réalisés, avec plus de 58.000 bâtiments recensés, des plateformes numériques mises en place, des aides financières versées, et une organisation sans précédent sur le terrain. Un véritable travail de renom pour un chantier national d’une telle ampleur.
Mais le verre est aussi à moitié vide: 4.000 familles restent encore à reloger, coincées dans des zones très risquées. «On ne peut pas reloger ces sinistrés n’importe où», conclut la ministre.








