Des ONG féminines contestent la pertinence d’une étude du HCP sur l’égalité dans l’héritage

Lors d'une manifestation pour La défense des droits des femmes. (Photo d'illustration)

Un collectif de trois ONG marocaines a exprimé sa profonde inquiétude quant à l’utilisation «hors contexte» d’une enquête du Haut-Commissariat au plan (HCP) datant de 2016, et publiée le 10 octobre, à l’occasion de la Journée nationale des femmes. Cette étude concluait que 86,8% des Marocains s’opposaient à l’établissement d’une égalité entre les femmes et les hommes dans l’héritage.

Le 15/10/2024 à 17h34

À l’occasion de la Journée nationale des femmes, célébrée le 10 octobre, le Haut-Commissariat au plan (HCP) a publié une étude intitulée «Que pensent les Marocains de l’égalité femmes-hommes?», basée sur les données de l’enquête nationale sur la perception par les ménages de certains aspects liés aux Objectifs de développement durable (ODD), réalisée en 2016. Parmi ses résultats, celle-ci énonçait que 86,8% des Marocains s’opposaient à l’établissement d’une égalité entre les femmes et les hommes en matière d’héritage.

La publication de cette étude a provoqué une levée de boucliers chez un collectif d’ONG féminines, qui en contestent la pertinence. «Bien que cette note fournisse des informations utiles sur les perceptions de l’époque, il est problématique de s’y référer en 2024 sans prendre en considération les transformations majeures qui ont eu lieu au cours des huit dernières années», souligne un communiqué conjoint de l’Association démocratique des femmes du Maroc, l’association Kif Mama Kif Baba et l’association Médias et cultures.

Changement des perceptions

D’après les trois ONG, depuis 2016, plusieurs évènements qui ont traversé la société marocaine sont susceptibles d’avoir modifié les perceptions et les attitudes sur des sujets aussi cruciaux que l’égalité des genres. Elles citent comme exemple les élections législatives de 2021 qui «ont amené des changements dans le paysage politique marocain, influençant ainsi les discours publics et les initiatives liées à l’égalité des genres», ou encore la crise du Covid-19 «qui a rebattu les cartes, mettant en lumière les inégalités économiques et sociales et suscitant des débats autour de la justice sociale et des droits des femmes».

Le communiqué évoque également le séisme d’Al Haouz, qui a contribué à «redéfinir les priorités des Marocains en termes de solidarité, de justice sociale et d’égalité, remettant en question des perceptions autrefois figées».

Une base «inappropriée et trompeuse»

Le collectif note aussi que depuis l’annonce de la réforme du Code de la famille, le débat autour des droits des femmes a pris une ampleur inédite: «De nombreux acteurs de la société civile, des experts en théologie, en sociologie, en droit, en philosophie religieuse, ainsi que des citoyens, se sont mobilisés pour une meilleure justice de genre, notamment en matière d’héritage», lit-on dans le communiqué.

«Il est donc inapproprié et trompeur de se baser sur une enquête vieille de huit ans, qui ne reflète plus nécessairement l’état actuel des mentalités et des aspirations des citoyens marocains. En 2024, la société marocaine a évolué, et il est crucial d’analyser les perceptions avec des données actualisées, en tenant compte du contexte socio-politique et des crises récentes qui ont façonné les opinions publiques», conclut le communiqué des trois associations.

Par Ayoub Khattabi
Le 15/10/2024 à 17h34