L’islam et le judaïsme ne reconnaissent pas d’intermédiaire entre Dieu et le croyant. Chaque croyant est connecté directement à Dieu. Les chrétiens ont un clergé représenté par le Pape, une autorité religieuse.
La fatwa est une réponse donnée par un religieux sur une question non explicitée dans le Coran. C’est une interprétation personnelle du licite et de l’illicite, un avis, une consultation juridique mais qui n’a pas de force exécutoire.
Lors des premiers siècles de l’islam, la fatwa était un mécanisme pour établir la Charia à partir du Coran et de la Sunna (tradition et pratiques du Prophète). La Charia est une loi canonique s’appliquant à la vie religieuse, politique, sociale et individuelle. Ensuite, à travers les siècles, la fatwa a servi à la compréhension renouvelée de l’islam.
Par déformation, la fatwa est devenue la condamnation à mort d’une personne ayant blasphémé l’islam, décrétée par un ou des religieux. Mais qui a la légitimité d’édicter des fatwas?
Chez les chiites, les ayatollahs forment un clergé très hiérarchisé, dont les fatwas s’imposent en lois. Par contre, les sunnites sont décentralisés car sans clergé. Chaque pays émet ses fatwas qui peuvent se contredire avec celles d’autres pays.
Certains pays ont des muftis, interprètes officiels du Coran, telle que l’Arabie saoudite dont les fatawas deviennent des lois. L’université Al Azhar d’Egypte s’impose comme autorité légitime dans ce domaine, mais n’est pas suivie par tous les pays sunnites.
En dehors des fatwas édictées officiellement par des États, chaque croyant peut s’adresser à un religieux pour demander un avis. Si la réponse n’existe ni dans le Coran, ni dans les hadits (paroles du Prophète), ni dans la Charia, le religieux édite une fatwa, à titre privé, pour informer, conseiller, guider.
Le problème est là: chaque religieux donne des fatwas selon son profil, ses convictions, son degré d’obscurantisme ou d’ouverture, sans avoir toujours la formation adéquate.
Les réseaux sociaux ont donné une légitimité à des prédicateurs et des prédicatrices ignorants, qui induisent les croyants en erreur et les endoctrinent. L’internaute ne vérifie pas le profil des prédicateurs, leur formation, leur crédibilité, leur légitimité, leurs arguments…
La parole des fquih et oulémas était considérée comme sacrée par des populations analphabètes. Ils étaient le seul lien entre le croyant et les préceptes de l’islam. Aujourd’hui, les internautes savent lire et au lieu de chercher l’information par eux-mêmes à travers le Coran et le fiqh, ils font souvent confiance à des prédicateurs qui débitent des absurdités.
En voici quelques-unes:
Pour Cheikh Abdel Aziz, grand mufti d’Arabie saoudite, le jeu d’échecs est haram: perte de temps et d’argent. Il provoque l’animosité entre les joueurs.
Lorsqu’il a neigé exceptionnellement en Arabie saoudite, le cheik Saleh Al Munadjid a interdit les bonhommes de neige: toute figuration humaine ou animale est haram. Comme si les Saoudiens allaient fabriquer des bonhommes de neige pour en faire des dieux!
Kazem Sedigha, Iranien, a interdit les mini-jupes: elles provoquent l’adultère masculin et les tremblements de terre.
Un dignitaire égyptien: les femmes ne doivent plus toucher les bananes, les concombres et les carottes, sauf s’ils sont coupés en morceaux par leur mari ou leur père.
Abdelbari Zamzami, Marocain, a émis une fatwa contraire: les jeunes filles peuvent se satisfaire sexuellement avec des carottes, avant le mariage.
Zamzami a rendu halal la nécrophilie: quand une épouse meurt, son mari peut avoir une relation sexuelle avec elle avant de l’enterrer!
Kamel Al-Faïdy, Égyptien, interdit aux femmes de faire du vélo: «Enjamber la selle du vélo suscite chez la femme une excitation sexuelle». Imaginez le tollé qu’il a créé en Hollande où le vélo est très courant!
Mohamed Al Maghraoui, Marocain, autorise les filles à se marier à partir de 9 ans car «une fille de 9 ans a les mêmes capacités sexuelles que les filles âgées de 20 ans et plus».
Attia et Abd El-Kader, professeurs à Al-Azhar: «La femme pourrait désormais enlever son voile et être seule avec son collègue dans un bureau, à condition de l’avoir allaité à cinq reprises, en lui donnant directement son sein». L’allaitement, acte maternel, empêche l’acte sexuel. Très embêtant pour moi. Je me vois mal à la faculté, seins à l’air, en train d’allaiter les professeurs!
Hassen Khalil, Saoudien: «Être complètement nu pendant l’acte de coït annule le mariage». Son confrère Abdallah Megawar suggère de se couvrir d’un drap lors des rapports sexuels.
Ibn Baaz, Saoudien: «La Terre est plate et le soleil tourne autour d’elle». Les images satellites sont un complot de l’Occident judéo-chrétien contre l’islam.
Malaisie, l’autorité musulmane: la Saint-Valentin est haram. Elle pousse à valoriser l’amoureux. C’est de l’idolâtrie.
Ilyass Lakhrissi, alias Chekhsar, prédicateur marocain: «Ne pas épouser des femmes fonctionnaires. Elles sont incapables d’être des mères dignes».
Pour sensibiliser à la réglementation de la pratique de la fatwa, la Fondation Mohammed VI des oulémas africains vient d’organiser un colloque intitulé «Les règles de la fatwa dans le contexte africain». L’objectif est d’encadrer les émissions des fatwas et d’inciter les pays africains à en confier l’exercice à une institution collégiale composée d’oulémas, hommes et femmes, dignes de foi et modérés.
Au Maroc, seul le Conseil supérieur des oulémas a la légitimité pour émettre des fatawas. Nulle autre partie, individus ou groupes, n’y a droit.
La demande des fatwas est importante dans un monde en perpétuelles changements: le croyant cherche à savoir si son nouveau mode de vie est conforme à l’islam.
Depuis 2015, l’Institut Mohammed VI de formation des imams, des morchidine et des morchidate dispense une formation de qualité dont bénéficient de multiples nationalités, pour lutter contre les imposteurs. Mais comment faire taire les youtubeurs qui jouent aux prédicateurs et prédicatrices, sans aucune formation, et qui débitent des absurdités?