Connaissez-vous l’ODM?

Fouad Laroui.

ChroniqueComme il n’est pas question d’évacuer Casablanca, Kénitra ou Rabat dans vingt ans, il faut dès aujourd’hui commencer à élaborer des plans sérieux pour élever partout des digues afin de protéger ces villes contre l’Océan.

Le 10/12/2025 à 10h57

Non, il ne s’agit pas du CODM, vénérable club sportif de la non-moindre vénérable ville de Meknès. Le club a connu son heure de gloire il y a quelques décennies avec l’élégant Hamidouch, plus tard avec Aziz Daidi et avec ‘Hadda, dit Camacho’– qualification amusante qu’on dirait sortie d’un roman de Modiano. Mais le CODM n’a rien à voir avec le sujet du jour.

Il ne s’agit pas non plus de l’ADM, ou plus exactement de la Société nationale des autoroutes du Maroc, dont un ancien premier ministre a dit un jour en riant: «On leur a demandé un jour de construire cent kilomètres d’autoroute mais comme on a oublié de leur dire d’arrêter, ils continuent, ils continuent…»

Bref, si vous ne connaissez pas l’ODM, qui n’est ni le CODM ni l’ADM, c’est pour une raison bien simple: l’ODM n’existe pas.

Pourtant, il faudrait l’inventer. Il faudrait inventer l’Office des digues du Maroc. C’est urgent et c’est d’une importance vitale. Démonstration:

1. La population vivant le long du littoral marocain est dense et croît sans cesse. Nous sommes des millions, de Tanger à Dakhla en passant par Kénitra, Rabat, Casablanca, El Jadida, Safi, Agadir et Laâyoune à vivre sur une mince bande de terre large d’une vingtaine de kilomètres, le long du littoral.

2. Vous vous souvenez sans doute de l’étude réalisée par des experts de la Banque mondiale en 2021 (nous en avions parlé dans ces colonnes, à l’époque) et dont les conclusions étaient préoccupantes: 42% du littoral marocain sera exposé à un risque élevé d’inondations et d’érosion d’ici 2030. La hausse du niveau des mers continuera ensuite, ce qui pourrait conduire à une submersion des villes côtières.

Il ne s’agit pas d’un scénario catastrophe parmi plusieurs possibilités plus favorables. C’est une certitude.

Dès lors, et comme il n’est pas question d’évacuer Casablanca, Kénitra ou Rabat dans vingt ans, il faut dès aujourd’hui commencer à élaborer des plans sérieux pour élever partout des digues afin de protéger ces villes de l’Océan. J’ai habité longtemps dans une ville– Amsterdam– qui se trouve à 4 mètres au-dessous du niveau de la mer, sans jamais éprouver le moindre sentiment d’angoisse. Les digues qui protègent Amsterdam (et les Pays-Bas) de la mer sont solides. L’expérience est pluriséculaire: l’Office des eaux des Pays-Bas a été mis en place au 12ème siècle– il y a près de mille ans! Dès 1250, les digues construites localement furent connectées; depuis, elles forment une défense commune qui a contribué à forger le caractère national des Néerlandais.

C’est donc parce que les Bataves ont très tôt compris le danger et ont très tôt commencé à élever des digues que leur pays est toujours là et prospère pacifiquement. C’est un modèle à suivre.

Alors qu’attendons-nous pour créer notre Office des digues, notre ODM, pour placer à sa tête un ingénieur visionnaire et déterminé et lui donner les moyens de sa mission?

Gouverner, c’est prévoir. Fût-ce des siècles à l’avance…

Par Fouad Laroui
Le 10/12/2025 à 10h57